Japon

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Quand l’empereur était un dieu – Julie Otsuka

Une famille japonaise, installée aux Etats-Unis depuis de nombreuses années déjà et dont le père de famille se voit embarqué un soir, en pantoufles et robes de chambres aux yeux de tous sous prétexte de faire partie d’une bande de ressortissants étrangers. Nous sommes en 1942, aux lendemains de Pearl Harbor et ce qui ne devait être qu’un interrogatoire pour cet homme sans histoires durera jusqu’à la fin de la guerre pendant que sa femme et ses deux enfants seront parqués dans un camp.
Une histoire sur l’attente, sur l’espérance d’un retour proche dans leur maison et ce qu’ils considéraient jusqu’alors comme leur nouvelle patrie mais qui n’est en réalité qu’un leurre. La honte d’avoir les yeux bridés, la honte d’être « jaune » », la honte d’être un « jap » comme les surnommaient alors les américains, bref la honte d’être ce qu’on est.

Le sujet de ce roman, déjà, ne laisse pas de surprendre – mal informés que nous sommes : les camps de concentration aménagés (fort discrètement) en territoire américain pendant la Seconde Guerre mondiale… à l’usage des citoyens d’origine japonaise.
Si Julie Otsuka a choisi la fiction, elle avoue volontiers que l’histoire qu’elle raconte évoque de très près celle de ses grands-parents, paisibles Californiens qui n’avaient aucune raison de cacher leur ascendance japonaise, arrêtés et déportés par le F.B.I. en décembre 1941, au lendemain de l’attaque de Pearl Harbor, et qui furent maintenus derrière les barbelés, dans des conditions inimaginables, jusqu’à l’été de 1945.
Rien que pour ce qu’il raconte, et que l’on sait si peu, le livre de Julie Otsuka vaudrait d’être lu. Mais le miracle est ailleurs. Le miracle, c’est qu’il nous rend témoins de cette histoire en usant de mots qu’on n’attend pas, dans un style si nu, glacé presque, si violemment débarrassé de toute émotion, de toute protestation, que le peu qu’il livre est insoutenable.
Insoutenable de sérénité, on voudrait dire de poésie si le mot n’avait l’air ici à ce point incongru.

Photographie de Dorothea Lange
Photographies de la War Relocation Authority de l’évacuation et de la réinstallation des Américains d’origine japonaise. UC Berkeley, bibliothèque Bancroft.

La famille de l’auteur (grand-mère en manteau et chapeau ; oncle – garçon devant ; mère – fille avec des tresses détournées de la caméra) peu après leur arrivée au centre de rassemblement du Tanforan Race Track à San Bruno, en Californie, le 29 avril. 1942.
Cinq mois plus tard, ils furent transportés dans un camp d’incarcération à Topaz, dans l’Utah, pour la durée de la guerre.

Julie Otsuka, à Paris. Photographie de Jean-Luc Bertini / Pasco

Née en 1962 en Californie, Julie Otsuka s’est consacrée à l’écriture après avoir commencé une carrière de peintre. Son premier roman « Quand l’empereur était un Dieu » rencontre un immense succès public et critique et son deuxième, « Certaines n’avaient jamais vu la mer », lui apporte la consécration.

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KAFÛ

Kafū Nagai, de son vrai nom, Sōkichi Nagai, est un écrivain et nouvelliste japonais né à Tokyo, le 04 décembre1879, mort à Ichikawa, le 30 avril1959. Il est reconnu pour ses œuvres décrivant le Tōkyō du XXe siècle, et particulièrement le monde de la prostitution et des geishas.

Biographie

Kafū, né à Tokyo, au numéro 45 de la Kanetomi-chō, dans l’arrondissement de Koishikawa, est le fils de Kyūichirō Nagai, bureaucrate et homme d’affaires qui devint célèbre plus tard pour ses poèmes en style chinois. Kafū est l’aîné de trois frères et sœurs. Lors de la naissance de son frère en 1883, il est envoyé dans la famille de sa mère puis rentre chez lui en 1886 lors de son entrée à l’école secondaire.
En 1891, il intègre une école privée de langue anglaise à Tōkyō. Toutefois, il passera de nombreux mois entre 1894 et 1895 à l’hôpital d’Odawara, sans doute atteint de la tuberculose.
À l’âge de dix-sept ans (1896), bien qu’échouant aux examens d’entrée à l’université, il est diplômé de son école. Cette même année, il commence l’étude des poèmes chinois et entame une longue série de visites dans le quartier chaud de Yoshiwara (à Tōkyō).
Plus tard, il rend visite à son père à Shanghai qui y est employé par la compagnie Nippon Yusen. Il rentre à l’automne et devient employé dans le département de langue chinoise d’une université de langues étrangères. En 1898, Kafū commence à écrire de courtes nouvelles. Dans le même temps, il étudie avec Ryūrō Hirotsu. Deux ans plus tard, il publie quelques nouvelles après avoir quitté son poste à l’université. Il trouve par la suite un poste de journaliste et commence l’étude du français.
En 1902, il séjourne aux États-Unis et en France où il travaille pour le compte de l’ambassade du Japon et du muséum culturel de la préfecture de Kanagawa. Cela lui permet de publier Amerika monogatari (« contes américains ») et Furansu monogatari (« contes français »).

Du côté des saules et des fleurs

« Les saules et les fleurs », comprendre les hommes et les femmes, c’est ainsi que l’on nommait les quartiers geishas, à Tôkyô au début du siècle. Roman d’amour et de jalousies compliquées autour de la belle Komayo, au parfum nostalgique, dans l’intimité des maisons de plaisir. Kafû y décrit les intrigues, les jeux érotiques, les manoeuvres d’amour et d’argent entre amants et geishas : autour de la belle Komayo, acteurs, musiciens, parasites ou amoureux veules se croisent et se déchirent.
C’est aussi l’évocation du Japon ancien que Kafû dépeint avec la cruauté et la tendresse d’un amoureux de ce monde qu’il voyait disparaître avec amertume.

Interminablement la pluie

Interminablement la pluie par Nagai

« Interminablement la pluie est sans conteste l’un des chefs-d’oeuvre, non seulement de l’oeuvre de Kafû, mais de la littérature japonaise de l’entre-deux-guerre » écrivait Pierre Faure.
Par petites touches de confidences esquissées en dissertations sur les plaisirs de la vie, dans un lyrisme contenu, Kafû verse au coeur du lecteur un univers fait de poésie et d’élégance classique, d’érudition et de rêveries inépuisables.
Attentif à mille détails, à d’éphémères intimités, au timbre d’une voix, à des jeux de lumière au détour d’un regard ou d’un souvenir, il décrit avec amour et nostalgie ce Japon ancien, ce monde fugitif du plaisir que Pierre Faure, son interprète idéal, nous fait partager.

Voitures de nuit

Chantre du quartier des plaisirs, Nagaï Kafû (1879-1959) est l’un des écrivains japonais les plus anticonventionnels de sa génération. Ayant appris en France, au début du siècle, le goût des libertés, il refusera son concours à l’association des écrivains japonais d’orientation fasciste, émettant le voeu d’être enterré au cimetière des prostituées et ne cessant jusqu’à sa mort (viveur impénitent) de fréquenter les petites danseuses d’Asajusa qu’il a su dépeindre dans ses romans et ses nouvelles bien dignes des estampes d’Hiroshige et Kunisada qu’il admirait tant.

Critique par Youness Bousenna Publié le 25/03/2020 dans Télérama

De son style moelleux, Nagaï Kafû nous promène de séductions en amourettes, où sourd sa nostalgie d’un Japon traditionnel en déclin.
Il ne faut pas trop se laisser bercer par le style badin de Nagaï Kafû (1879-1959). Le nouvelliste, figure importante des lettres japonaises du début du XXe siècle, ne raconte aucune histoire extraordinaire : seulement le marivaudage entre la bonne société de Tokyo et les geishas de son quartier chaud. Avec son style moelleux et un érotisme contenu, l’air de ne rien dire de plus que la simplicité d’une scène, Kafû nous promène de séductions en amourettes, de petites histoires du quotidien en destins sans relief. Pourtant, la pudeur de sa plume ne doit pas dérober les vérités que ce moraliste nous (dé)voile.
Car les six nouvelles de Voitures de nuit, parues autour de 1930, révèlent par petites touches la réalité souterraine des rapports entre hommes et femmes. Kafû met en scène des personnages presque toujours similaires : des geishas libres d’esprit, émancipées des pesanteurs sociales, et des notables bien sous tous rapports. Mais la fréquentation de ces femmes insaisissables fait dérailler la vie si convenable de ces derniers, excitant leurs pulsions jusqu’à parfois transformer en crime leur obsession de posséder – ainsi, dans la nouvelle L’Hortensia, Kimika finit poignardée par un amant jaloux. Kafû se fait aussi le critique discret de son Tokyo natal, qu’il voit changer. La métropole est devenue la capitale d’un Japon qui s’occidentalise à grande vitesse. Le séisme et le gigantesque incendie qui ont ravagé la ville en 1923 forment un motif présent au second plan de chaque nouvelle. Et à travers lequel Kafû signifie, sans la souligner, sa nostalgie d’un Japon traditionnel enseveli par la modernité.

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Yasushi Inoué

Yasushi Inoué est un romancier japonais, né à Asahikawa , le 06 mai 1907, mort à Tokyo , le 29 janvier 1991.

Biographie

Fils d’un chirurgien militaire souvent muté, il est pendant un temps élevé par la maîtresse de son arrière grand-père, une ancienne geisha qu’il appelle grand-mère, alors qu’elle est étrangère à la famille Inoué. Il racontera plus tard cette enfance dans son roman autobiographique « Shirobamba ». Il est un pratiquant assidu du judo (ceinture noire).

Il écrit des poèmes dès 1929. Après des études en philosophie à Kyoto et une thèse sur Paul Valéry, il se lance dans la littérature en publiant des poèmes et nouvelles dans des magazines, puis dans le journalisme, carrière entrecoupée par le service militaire (1937-1938).

En 1949, il publie « Le fusil de chasse » et se fait connaître grâce à une nouvelle récompensée la même année par le prestigieux Prix Akutagawa : « Combats de taureaux ». Il se met ensuite à publier un grand nombre de romans et de nouvelles dont les thèmes sont souvent historiques et minutieusement documentés, comme « La Tuile de Tenpyō » (1957) « Le loup bleu » – roman sur Gengis Khan (1959) ou « Le Maître de thé » (1981).

En 1964, il est élu à l’Académie des Arts et préside l’Association littéraire japonaise de 1969 à 1972. Il reçoit l’Ordre National du Mérite en 1976. Il est également élu vice-président du PEN Club International en 1984.

Certaines de ses œuvres ont été adaptées au cinéma. « Le Sabre des Takeda » (en 1953) est adapté par Hiroshi Inagaki. « Asunarô » est adapté en 1955 par Akira Kurosawa et filmé par Hiromichi Horikawa. « Le Maître de thé » inspira Kei Kumai pour son film « La Mort d’un maître de thé » en 1989 qui obtint un Lion d’argent au Festival du film de Venise.

Le fusil de chasse

« A bout de forces, trop fatiguée pour bouger le petit doigt je laissai machinalement mon regard s’attacher à ton reflet sur la vitre. Tu avais fini de frotter le canon et tu remontais la culasse, que tu avais également nettoyée. Alors tu levas et abaissas plusieurs fois le fusil en épaulant à chaque fois. Mais peu après le fusil ne bougea plus. Tu l’appuyas fermement contre ton épaule et tu visas, en fermant un oeil. Je me rendis compte que le canon était manifestement dirigé vers mon dos. »

Le Fusil de chasse, ou les multiples facettes d’une impossible passion. Trois lettres, adressées au même homme par trois femmes différentes, forment la texture tragique de ce récit singulier. Au départ, une banale histoire d’adultère. A l’arrivée, l’une des plus belles histoires d’amour de la littérature contemporaine. Avec une formidable économie de moyens, dans une langue subtilement dépouillée, Yasushi Inoué donne la version éternelle du couple maudit.

Le combat de taureaux

Voici cinq nouvelles réunies par Yasushi Inoué lui-même parmi ses préférées. Combat de taureaux, qui reçut à sa parution le Prix Akutagawa, a placé Yasushi Inoué au premier rang de la scène littéraire japonaise. Avec Le Pic Kobandai de facture plus classique, nous remontons dans le temps, à travers le thème du suicide de deux amants.

Dans les trois autres récits, Yasushi Inoué nous parle de sa propre famille et surtout de quelques personnages marginaux qu’il affectionne particulièrement – une cousine qui aimait trop séduire ou la maîtresse de son arrière-grand-père qui, pour ne pas être chassée, avait littéralement pris en otage l’enfant que lui, Inoué, était alors.

Le faussaire

Le faussaire par Inoué

Le Faussaire est conté par un journaliste qui s’engage à écrire la biographie d’un des peintres les plus brillants de son temps. Les recherches qu’il entreprend dévient sans cesse vers un être mystérieux qui a laissé derrière lui de nombreuses imitations du grand maître. Qui est le faussaire ?

Cette question finit par passionner le narrateur bien plus que la vie du célèbre artiste. Le puzzle se recompose peu à peu, et l’on découvre comment un être ordinaire a été broyé par sa rencontre avec un génie. Le second récit propose une réflexion sur l’exil oscillant entre gravité et humour.

Une ancienne légende raconte qu’autrefois les vieilles femmes étaient abandonnées sur le mont Obasuté. C’est à travers le prisme de cette fable que l’auteur analyse sa propre histoire familiale.

Pleine Lune retrace l’ascension et la chute d’un homme d’affaires. L’écrivain, dans une langue simple et dépouillée, nous révèle toute la solitude et la faiblesse d’un personnage assoiffé de pouvoir.

Les chemins du désert

Les chemins du désert par Inoué

Au début du XIe siècle, un jeune Chinois, Xingte, s’en va vers l’ouest à la recherche d’un peuple en guerre contre la Chine des Song, les Xixia. Enrôlé de force dans l’armée Xixia, Xingte va participer aux batailles qui se déroulent dans des territoires immenses, contre les Chinois, les Ouighours, les Turfans, etc.

Mais cette aventure, de bataille en bataille, dans la violence inouïe de la guerre, dans le décor inhumain des déserts sans fin, est aussi la longue quête de l’homme devant le mystère de la vie.

Poussé par l’amour d’une princesse Ouighoure, Xingte emprunte une route difficile et va rencontrer deux hommes qui seront à la fois ses compagnons et ses ennemis. Mais leurs chemins, un instant réunis, vont se séparer, et chacun s’en ira vers son destin au plus profond des déserts.

Roman d’aventures et voyage initiatique qui n’est pas sans évoquer Le Désert des Tartares de Buzzati, Les chemins du désert est aussi un jeu avec l’Histoire. L’auteur a pris comme point de départ la découverte, au début du XXe siècle des grottes de Dun Huang, à l’ouest de la Chine.

Elles contenaient plus de vingt mille documents bouddhistes datant d’avant le XIe siècle. Personne n’a jamais expliqué le mystère de leur origine, et c’est cette histoire inconnue que nous raconte Yasushi Inoué dans Les chemins du désert.

La favorite

L’histoire des tragiques amours de l’empereur Siuan-tsong et de Yang Kouei-fei est aussi célèbre en Chine que celle de Tristan et Yseult en Occident. Cet empereur de la dynastie T’ang a réellement existé : il régna sur la Chine de 712 à 756, accompagné seize ans durant par la  » Précieuse épouse  » Yang Kouei-fei.

Dans ce livre, qui se lit comme un roman d’aventures, c’est la Chine médiévale qui s’anime avec le talent d’Inoue, sur la toile de fond de la vie luxueuse et insouciante du palais et des intrigues autour de ministres sanguinaires, de généraux ambitieux, d’eunuques intrigants ou de concubines habiles.

En arrière-plan des enjeux du pouvoir, les incursions barbares aux frontières cernent la Cour d’un danger toujours pressant qui se rapproche inexorablement jusqu’au dramatique dénouement.

Roman historique donc, où l’on reconnaît, comme dans les autres œuvres d’Inoue, un constant souci d’exactitude et de vérité qui nous fait entrer de plain-pied dans un huitième siècle chinois d’une étonnante actualité.

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Yasunari Kawabata

Yasunari Kawabata , né le 11 juin 1899 à Osaka et mort le 16 avril 1972 à Zushi, est un écrivain japonais, prix Nobel de littérature en 1968 pour son roman “Pays de neige”.

Considéré comme un écrivain majeur du XXe siècle et obsédé par la quête du beau, la solitude et la mort, il a écrit en particulier des récits très courts, d’un dépouillement stylistique extrême, regroupés plus tard en recueils, mais ses œuvres les plus connues internationalement sont ses romans comme Pays de neige (1935-1947), Le Grondement de la montagne (1954), Les Belles Endormies (1960-1961) ou Kyôto (1962).

L'écrivain japonais Yasunari Kawabata (1899 - 1972), ici en 1968. L’écrivain japonais Yasunari Kawabata (1899 – 1972), ici en 1968.
Crédits : Bernard Krisher/Pix/Michael Ochs Archives – Getty

Biographie

Yasunari Kawabata est un écrivain japonais considéré comme un écrivain majeur du XXe siècle.

Second enfant d’une famille de notable, Yasunari Kawabata a une sœur aînée. Son père exerce le métier de médecin. C’est un homme cultivé, se passionnant pour la poésie et la peinture. Mais, atteint de tuberculose, il décède un an après la naissance de Yasunari ; tout comme la mère de celui-ci quelques temps plus tard, des suites de la même maladie. Yasunari est alors confié à ses grands- parents paternels. Son grand-père réalise des investissements hasardeux qui le conduisent à la ruine.

Malgré tous ces évènements, les jeunes années de Yasunari se passent tranquillement. Cependant, l’angoisse et les frayeurs qu’il relate dans ses récits commencent à le hanter.

En 1915, alors qu’il a perdu ses grands-parents, ainsi que sa sœur, il est envoyé dans la pension du lycée de Ibaragi. En 1916, il y fait la connaissance de Kiyono, un camarade de chambrée, avec lequel il se lie intimement (« mon amour homosexuel »). Parti vivre à Tokyo en 1917, Yasunari entretient avec son amant une importante correspondance, qui dure jusqu’en 1921. Il racontera cette histoire dans L’adolescent (1948).

En 1919, il évolue au sein d’un cercle littéraire, qui tient débat dans un café à la mode. Il y rencontre Hatsuyo (Michiko dans ses récits), une jeune serveuse de quatorze ans, qu’il finit par épouser. Mais, celle-ci décide de rompre un mois après leur mariage.

Hatsuyo devient sa muse, son idéal de femme qui hante son écriture. Ce n’est que douze ans plus tard, en la revoyant que le charme semble se rompre définitivement. Déçu, l’artiste doute et se remet en question.

En 1924, il fonde avec des amis le journal littéraire « Bungei Jidai » (l’âge artistique), point de départ de l’école des « néo-perceptionistes », qui s’oppose au naturalisme populaire et au mouvement littéraire prolétarien.

En 1948, il devient Président du Pen Club japonais (association d’écrivains internationale) et en 1954 il est élu membre de l’Académie Japonaise des Arts.

En 1968, il reçoit le prix Nobel de littérature, devenant ainsi le premier écrivain nippon à obtenir cette distinction. Obsédé par la quête du beau, la solitude et la mort, il a écrit en particulier des récits très courts, d’un dépouillement stylistique extrême.

À la suite du suicide de plusieurs de ses amis (notamment Mishima), il se prononce contre le suicide. Pourtant, Yasunari Kawabata finit par se suicider. Il ne laisse ni explication ni testament.


Pays de neige

À trois reprises, Shimamura se retire dans une petite station thermale, au cœur des montagnes, pour y vivre un amour fou en même temps qu’une purification. Chaque image a un sens, l’empire des signes se révèle à la fois net et suggéré. Le spectacle des bois d’érable à l’approche de l’automne désigne à l’homme sa propre fragilité.
« Le rideau des montagnes, à l’arrière-plan, déployait déjà les riches teintes de l’automne sous le soleil couchant, ses rousseurs et ses rouilles, devant lesquelles, pour Shimamura, cette unique touche d’un vert timide, paradoxalement, prenait la teinte même de la mort. »

Les belles endormies

Dans quel monde entrait le vieil Eguchi lorsqu’il franchit le seuil des Belles Endormies ? Ce roman, publié en 1961, décrit la quête des vieillards en mal de plaisirs. Dans une mystérieuse demeure, ils viennent passer une nuit aux côtés d’adolescentes endormies sous l’effet de puissants narcotiques.
Pour Eguchi, ces nuits passées dans la chambre des voluptés lui permettront de se ressouvenir des femmes de sa jeunesse, et de se plonger dans de longues méditations. Pour atteindre, qui sait ? au seuil de la mort, à la douceur de l’enfance et au pardon de ses fautes.

Le grondement de la montagne

Dans l’air inerte d’une nuit d’été, un vieil homme entend – ou croit entendre – le grondement de la montagne. Ce rugissement venu du cœur de la Terre, lui seul semble le percevoir comme la révélation de sa fin prochaine. Notable en apparence calme et rangé, le vieil homme cache une personnalité hypersensible, inquiète, troublée par une vie intérieure agitée. Seules les splendeurs fugitives de la nature, les arabesques émouvantes des oiseaux et la silhouette blanche et délicate de sa jeune belle-fille parviennent à le distraire de son obsession et de son angoisse. Avec Le Grondement de la montagne, l’écrivain confronte son personnage, hanté par la vieillesse, la mort, le rêve impossible d’un érotisme lumineux, aux grands moments de sa vie, à ses déceptions, à ses échecs, à l’écoulement des saisons ou à la beauté éphémère d’un cerisier en fleur par un matin d’hiver.

La danseuse d’Izu

Yasunari Kawabata ne révéla peut-être jamais aussi bien que dans les cinq nouvelles de La Danseuse d’Izu la poésie, l’élégance, le raffinement exquis et la cruauté du Japon.
Est-ce là ce « délicat remue-ménage de l’âme » dont parlait le romancier et critique Jean Freustié ? Chacun de ces récits semble porter en lui une ombre douloureuse qui est comme la face cachée de la destinée.
Un vieillard s’enlise dans la compagnie d’oiseaux, un invalide contemple le monde dans un miroir, et ce miroir lui renvoie d’abord son propre visage dans une sorte de tête à tête avec la mort…
Rechercher le bonheur est aussi vain et aussi désespéré qu’apprivoiser une jeune danseuse, un couple de roitelets ou le reflet de la lune dans l’eau. Voici cinq textes limpides et mélancoliques, aussi pudiques sans doute dans l’expression que troublants dans les thèmes.

Tristesse et beauté

Chez Kawabata, les beautés élégiaques, qui se laissent dépouiller, abandonner, prostituer, éviscérer par amour, préparent en silence l’avènement des beautés pernicieuses, ces petits démons qui exécuteront autour du mâle la danse de la mort. Dans Tristesse et beauté, la mort esquisse ses premiers pas pendant que sonnent les cloches de fin d’année dans les monastères de Kyôto. Oki, le romancier vieillissant, cherche à revoir un ancien amour. Elle avait seize ans, lui plus de trente. Au lendemain de la rupture, elle avait trouvé refuge chez les fous, lui dans l’écriture d’un roman qui devait lui apporter argent et gloire. En sortant de chez les fous, elle choisit de ne plus se donner qu’à l’art et devint peintre renommé. Un quart de siècle plus tard, il tente de renouer avec le passé. Mais le destin a placé aux côtés de la femme peintre une élève de dix-sept ans, diaboliquement belle et diaboliquement dévouée à son professeur.

Kyôto

L’entente entre la nature et l’homme trouve sans doute son accomplissement dans Kyôto. Deux jumelles ont été séparées à leur naissance. Elevées dans des milieux différents, l’une à la ville, l’autre dans la montagne, vont-elles pouvoir se rejoindre, adultes, et se comprendre ? Au-delà de cette histoire limpide et bouleversante, c’est l’affrontement du Japon traditionnel et du Japon qui s’américanise chaque jour davantage, qui est ici mis en scène.
Ecrit en 1962, Kyôto est sans doute l’œuvre qui exprime le plus profondément le déchirement métaphysique et psychologique de l’écrivain japonais.

Le maître du tournoi de go

La plupart des professionnels du Go aiment aussi d’autres jeux, mais la passion du Maître présentait un caractère particulier : l’incapacité de jouer tranquillement, en laissant les choses suivre leur cours. Sa patience, son endurance s’avéraient infinies. Il jouait jour et nuit, pris par une obsession qui devenait troublante. Il s’agissait peut-être moins de dissiper des idées noires ou de charmer son ennui que d’une sorte d’abandon total au démon du jeu.

Chronique d’Asakusa

Leurs yeux se cherchèrent et au moment où leurs regards allaient se fondre, les bras de l’homme l’attirèrent vers lui et il posa son visage sur la jeune femme.
Imbécile ! dit Yumiko en repoussant la bouche de l’homme de la paume de sa main droite. Les dents n’étaient-elles pas teintées par le poison des pilules que Yumiko lui avait enfoncées dans la bouche ? Elles avaient fondu en libérant le liquide.
Décidément, tu n’es qu’un imbécile !
Akagi blêmit soudain et s’effondra.
Chronique d’Asakusa, ou la banale histoire de Yumiko, une jeune femme qui voulait croire aux merveilles de l’amour dans le Tokyo des années 30.

Les servantes d’auberge

Les Servantes d'auberge par Kawabata

Ici, la vie quotidienne de jeunes prostituées, pensionnaires d’une maison close dans une petite ville d’eaux ; là, les errances intérieures d’une femme frigide ; mais aussi, les vicissitudes sentimentales d’un homme obsédé par l’image d’une morte.
Trois récits, trois nouvelles qui se développent sur trois registres littéraires différents et qui témoignent des grandes orientations de l’oeuvre de Kawabata. La subtile peinture des sentiments et des sensations dans Illusions de cristal. La poésie et la palette colorée des saisons dans Les Servantes d’auberge. Les tours inquiétants d’une passion étrange dans Le Pourvoyeur de cadavres.

Nuée d’oiseaux blancs

Nuée d'oiseaux blancs par Kawabata

Ce qui distingue Kawabata, ce sensualiste, c’est d’arriver à envelopper ses personnages d’une sorte de buée légère et tendre tout en gardant au récit une ligne très lisse, très nette, il fait naître d’étranges rapports entre ses amants…
Ses romans sont dominés par le blanc et nous sommes gagnés par cet éblouissement, par cette lumière incomparable, à ce point que nous avons tendance à oublier un fait majeur : le blanc, s’il est au Japon, comme en Occident, le symbole de la pureté.
Il est aussi la couleur funéraire, et pour bien comprendre Kawabata, il faut sans cesse penser que la vie, et la vie la plus physiquement amoureuse, la plus sensuelle, comporte toujours cet arrière-plan métaphysique le destin mortel de l’homme, jamais nommé et cependant apparent.

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Ame brisée – Akira Mizubayashi

« Rei éprouva comme une brûlure d’estomac, une chaleur acide, à la fois intense et diffuse, qui vous monte à la gorge. Un énorme bloc d’émotions glacées se mettait à fondre peu à peu sous l’effet de cette chaleur intérieure dormante. Le temps se défossilisait, recommençait à trembler. »

Tokyo, 1938. Quatre musiciens amateurs passionnés de musique classique occidentale se réunissent régulièrement au Centre culturel pour répéter. Autour du Japonais Yu, professeur d’anglais, trois étudiants chinois, Yanfen, Cheng et Kang, restés au Japon, malgré la guerre dans laquelle la politique expansionniste de l’Empire est en train de plonger l’Asie. Un jour, la répétition est brutalement interrompue par l’irruption de soldats. Le violon de Yu est brisé par un militaire, le quatuor sino-japonais est embarqué, soupçonné de comploter contre le pays. Dissimulé dans une armoire, Rei, le fils de Yu, onze ans, a assisté à la scène. Il ne reverra jamais plus son père… L’enfant échappe à la violence des militaires grâce au lieutenant Kurokami qui, loin de le dénoncer lorsqu’il le découvre dans sa cachette, lui confie le violon détruit. Cet événement constitue pour Rei la blessure première qui marquera toute sa vie… Dans ce roman au charme délicat, Akira Mizubayashi explore la question du souvenir, du déracinement et du deuil impossible. On y retrouve les thèmes chers à l’auteur d’Une langue venue d’ailleurs : la littérature et la musique, deux formes de l’art qui, s’approfondissant au fil du temps jusqu’à devenir la matière même de la vie, défient la mort.

Schubert String Quartet No. 13 Rosamunde
I. Allegro ma non troppo

Tesla Quartet : Ross Snyder & Michelle Lie, violons ; Edwin Kaplan, alto ; Serafim Smigelskiy, violoncelle

Schubert : Quatuor n° 13 en la mineur D. 804  » Rosamunde »
III. Minuetto, Allegretto,

Quatuor Ardeo : Carole Petitdemange, Mi-sa Yang (violons), Yuko Hara (alto) & Joëlle Martinez (violoncelle)
interprètent le 3e mouvement (Minuetto, Allegretto, Trio) du Quatuor n° 13 en la mineur D. 804  » Rosamunde » de Franz Schubert.
Extrait de l’émission Soirée spéciale France Musique sur son 21 enregistrée le 13 janvier 2021 au Studio 104 de la Maison de la Radio.

Johann Sebastian Bach : Gavotte en Rondeau from the Partita for solo violin No. 3 in E major, BWV 1006

Gil Shaham, violin
Encore recorded at a concert of the Berliner Philharmoniker, 10

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