Paysage de bord de mer

Sous les embruns
Les brumes
Se cachent.
Leurs silhouettes
Se détachent.

De l’horizon
Sombre et lourd
La ligne bleue
Des monts alentours
Les découpe
Et décoiffe.

Air froid

Les saules frissonnent,
C’est l’automne.
Le froid s’immisce,
Dans les interstices.

L’humidité s’insinue,
A perte de vue.
De grandes étendues s’imbibent
Jusqu’aux abîmes.

Bientôt, c’est le gel
Sur les demoiselles
Les paysages déserts
Du début d’hiver.

Immobile, froid, sec et glacé
L’air pur fait trembler
Les amoureux abonnés
De balades emmitouflées.

Randonnée avortée

Une brume ouateuse s’est répandue
Sur toute la surface bosselée
Au bord, une épaufrure est apparue
Il faut, choisir le chemin, se déterminer.

Emprunter le sentier des crêtes
Contourner les rochers, les arêtes
Côtoyer le ravin, le précipice
Danger que l’on dévisse.

Contourner par l’échancrure des plaines
Descendre jusqu’au lac, à peine
S’incruster, s’immiscer à travers la forêt
Puis se retrouver de l’autre côté, à peu près.

Nous en étions à ces tergiversations
Quand un élément détourna notre attention
L’orage grondait au loin
Pas d’abri, à ce point !

La pluie fit son apparition
Sans demander d’autorisation
Il nous fallait trouver
Au plus vite, une anfractuosité.

A la tombée du jour, nous sommes redescendus
Trempés, crottés, fatigués, fourbus
Nous aurions pu nous égarer, être perdus
Nous fûmes seulement déçus, par cette déconvenue.

Coup de vent

Le vent
Balaie le jardin
D’un courant d’air
Déplaisant

Deux papillons
Paon de jour
Volettent
Entre les rangs de poireaux

Le thym
Exhale son parfum
A l’effleurement
De la main

Les framboises tentatrices
Laissent entrevoir
Leur couleur pourpre
Au détour du feuillage

Le jardin, sans bruit
S’épanouit, serein
Malgré le vent
A contre-courant

Se tenir à carreaux

De la glaise de la forêt de Chambiers
Nous sommes les fils, nous y sommes nés
Au village des Rairies
Nous y avons été cuits.

Nous y avons séché,
Nous nous sommes dessiqués.
De la terre crue,
Terre cuite, sommes devenus.

Entassés, brinquebalés, transportés
Nous avons atterri à Mazé
On nous a montés, assemblés
Tout au fond du grenier.

Nous avons connu les feuilles de tabac
Remuées, chaque jour, à la force des bras.
Remplacées, bientôt par les gerbes de blé
Battues, foulées, puis par le tarare, triées.

Après avoir longtemps attendu
Nous fûmes, un jour, descendus
Auscultés, lavés, triés et choisis
Nous fûmes, à nouveau, assemblés; ébahis.

Après toutes ces années, c’est d’un nouveau sol
Dont nous sommes les membres, sans espoir d’envol
Chaque jour, nous sommes foulés
De temps en temps, balayés, aspirés.

Dans nos joints, nos interstices
Des petits insectes, des fourmis, se glissent
Elles nous rappellent notre lointain passé de glaise
Avant qu’un jour, la pelle nous apaise
A devenir cet assemblage
De cette maison, le carrelage.

Soir et matin

Odeur d’humus
De nuit tombée
D’humide fumée
De brumes élevées

La rosée
S’est déposée
Au sol
Sur l’herbe épaisse

Comment affronter
Ce noir de nuit
Cet incertain
Jusqu’au lendemain

Se promener
La nuit
Sans bruit
Sans se déserter

Rentrer chez soi
Sur la tête, un toit

Rêver
De nuits paisibles
Alentour
Monter
De jour, l’indicible
Détour

En moi, des émois
Dignes, sans effroi

Matin ensoleillé
De brouillard, habillé
Bruits de la route
Que l’on devine

Toile tissée
De l’araignée
Le long
Du piquet

Un gros mulot
Trophée
Est présenté
Sur le seuil de la porte

Le romarin
Dressé
Sonne le tocsin
Des odeurs du matin

Instants fugaces
J’ai toujours été
Indiscipliné

De l’autre côté des contreforts

Au cœur de la bambouseraie
Un village gris apparait.

Sur le toit de la maison commune
Nous sommes grimpés
En cinq colonnes, à la une
Nous nous sommes situés.

Nous sommes descendus
Au bout de la rue
Pour y trouver
Un peu d’hospitalité.

Nous avons fui
Les brumes du Nord
Traversé la chaine des puits
La montagne, les contreforts.

Nous nous sommes engagés
Sur un chemin escarpé
Nous y avons rencontré
Une horde de sangliers.

Nous l’avons aperçu, le mas
Tout au loin, en contrebas.

Au château

Des enfants tombaient des toits des maisons, tout là-haut :
Un petit garçon en culottes courtes et pull marin rayé,
Quatre figures juchées sur des bicyclettes à la roue arrière de Grand-Bi,
Une fillette en robe à crinoline, très début de siècle.
Ils tombaient dans cette rue sombre, la rue du Musée, entre l’ancienne caserne des régiments du Roi et celle de l’ancien professeur.

L’esplanade était déserte, balayée par le froid qui bousculait quelques feuilles mortes.
La vallée du Thouet s’étalait en méandres de crue.
Soudain, des cris de courses, des cris de cartables entrechoqués, brisèrent la monotonie de la statue des combattants de 14-18, qui restèrent tout étonnés dans leur position défensive.
La demeure des Ducs de La Trémoïlle, de Marie de la Tour d’Auvergne, après avoir été prison était devenue Collège. La cour n’accueillait plus de carrosses mais des batailles de marrons à travers les flaques, des chahuts, des cris et des bosses.

Dans ce château, j’ai rêvé de dames courtisanes montées dans des calèches attelées de blancs chevaux, accompagnées de damoiseaux.
J’étais ce preux chevalier qui allait protéger toutes ces jeunes filles entre-aperçues.
Ou bien, je serai ce courageux maçon qui élèverait, ses enfants dans un petit logement de la basse ville.

Prochains printemps

Au loin
Les chiens
Aboient

Les passereaux
Piaillent
Les pigeons
Roucoulent

Les bourgeons,
Les premières fleurs
Sont apparus

La pluie
Sans cesse
Manifeste
Son caractère ombrageux

Giboulées
Coups de vent
Le printemps
Se fait désirer

Des hallebardes
Maussades
Se déchainent
Par moment

Les saules
Pleureurs et tortueux
S’inquiètent,
Agités
Eux,
D’habitude
Si paisibles,
Si ancrés

Les érables japonais
Ont remis
Leurs feuilles découpées :
Jaune citron acidulé
Rouge framboise cramoisi
Vert anis étoilé
D’un air inquiet
Mais satisfaits

L’arbre de Judée
De rose, s’est paré
Le cognassier
Offre ses fleurs
Blanches rosées
Au ciel, éloigné

Des bataillons de pâquerettes
Parsèment, coquettes
De leurs collerettes
Blanches étalées
Le champ d’à côté

Les ânes, tout mouillé
Jettent un regard amusé
Les moineaux
Se sont égaillés

Le rouge-gorge
Est venu me questionner :
« Tu n’as pas quelques graines
A me donner ? »

Accalmie
Le soleil éclaircit
Le ciel assombri
D’un seul coup
Brusque et éphémère
La lumière
Pénètre
Le sous-bois endormi

Les intermittences
Se manifestent
Sans préambule
Intenses
Et s’éteignent
Tout aussi brusquement

De branche en branche
Le pinson
Se pose
Agité

Les nuages se pressent
Pour aller déverser
Leurs averses
Avant le déjeuner

Le château d’eau
Se dresse
Flou
Entouré de fumée

Les brins d’herbe
S’agitent
Les branches
Frissonnent
Se balancent
Et se ploient
Sous les caprices
Du vent

Le ciel se colore
De gris
Plus intense
Pluie
A venir

La terre
Se gorge
Emmagasine
Pour les prochains avenirs

Retour à la vie, dans le Baugeois

Les paysans du coin, ont une gueule
De résistants de la dernière guerre
Dans leur costume du dimanche, étriqué

Les crins-crins résonnent dans le cœur des vieux
Quand la routine des en-avant deux
Fait de nouveau flamber leurs sabots.

Café, violon, mandoline, capeline et araire
C’est maintenant les gigues d’Irlande
Qui ouvrent les oreilles des jeunes paysannes.

Ils avaient transformé la cocarde de sainteté
En communes socialisées :
Saint Philbert du peuple, Cheviré le Rouge…

Mais les pins ont remplacé
Chênes et châtaigniers
Les vaches stabulent
Et les lapins granulent

Leur terre est piétinée
De tracteurs de cent chevaux
Les armées de Napoléon n’étaient rien
La terre est maintenant brulée
Par les technocrates champêtres

Des barbus, chevelus, marginaux
Ont envahi les lieux
Ils ambitionnent de faire revivre
Leur pays

Le retour à la terre
Qu’ils disent
Celle qu’ils ont, eux
Jamais quitté.

Tombée de la nuit

Chaque brin se dessine,
Chaque toit se découpe,
Chaque arbre, en sa masse, se précise
Sombre clarté
De la tombée du jour.
Déjà, l’automne laisse deviner ses rouilles
Des lambeaux de nuages gris-rose se trainent
De l’horizon, dans une trouée de lumière
La chauve-souris surgit
Les grillons stridulent
Et c’est bientôt, la nuit.

Jardin torturé

La valériane
Et les lavandes
Se côtoient
Mais, ne s’apprécient pas

Les acanthes
Dressent
Leurs hampes
Avec mépris

Chaque matin
Le romarin
Lance
Des appels incertains

Le lilas
Dévoile
Ses grappes pyramidales
Rose violet suranné

Pas très odorifères
Cette année

Le saule
De bienvenue
A perdu
De sa superbe

Il est amputé
De sa moitié.

Jour de pleine lune

Le long de l’eau de la rivière
Galopent les chevaux couleur de pierre
La lune rousse, faune échevelée
Suis le cheval blanc dans son galop ailé

La gazelle alléchée par ces prouesses galantes
Se vautre et se fait plus aimante.
La mouche vibre à l’appel silencieux des notes
L’oiseau piaffe et la croque.

La forêt mugit pour faire entendre qu’elle proteste
Un souffle de vent pousse les nuages
La dame des hautes cimes enrage
Pliée sous son fardeau, elle part, sans un geste

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