Longs métrages
Paysage de bord de mer
Sous les embruns
Les brumes
Se cachent.
Leurs silhouettes
Se détachent.
De l’horizon
Sombre et lourd
La ligne bleue
Des monts alentours
Les découpe
Et décoiffe.
20 Grande Rue
Air froid
Les saules frissonnent,
C’est l’automne.
Le froid s’immisce,
Dans les interstices.
L’humidité s’insinue,
A perte de vue.
De grandes étendues s’imbibent
Jusqu’aux abîmes.
Bientôt, c’est le gel
Sur les demoiselles
Les paysages déserts
Du début d’hiver.
Immobile, froid, sec et glacé
L’air pur fait trembler
Les amoureux abonnés
De balades emmitouflées.
Randonnée avortée
Une brume ouateuse s’est répandue
Sur toute la surface bosselée
Au bord, une épaufrure est apparue
Il faut, choisir le chemin, se déterminer.
Emprunter le sentier des crêtes
Contourner les rochers, les arêtes
Côtoyer le ravin, le précipice
Danger que l’on dévisse.
Contourner par l’échancrure des plaines
Descendre jusqu’au lac, à peine
S’incruster, s’immiscer à travers la forêt
Puis se retrouver de l’autre côté, à peu près.
Nous en étions à ces tergiversations
Quand un élément détourna notre attention
L’orage grondait au loin
Pas d’abri, à ce point !
La pluie fit son apparition
Sans demander d’autorisation
Il nous fallait trouver
Au plus vite, une anfractuosité.
A la tombée du jour, nous sommes redescendus
Trempés, crottés, fatigués, fourbus
Nous aurions pu nous égarer, être perdus
Nous fûmes seulement déçus, par cette déconvenue.
20 Grande Rue
Coup de vent
Le vent
Balaie le jardin
D’un courant d’air
Déplaisant
Deux papillons
Paon de jour
Volettent
Entre les rangs de poireaux
Le thym
Exhale son parfum
A l’effleurement
De la main
Les framboises tentatrices
Laissent entrevoir
Leur couleur pourpre
Au détour du feuillage
Le jardin, sans bruit
S’épanouit, serein
Malgré le vent
A contre-courant
Se tenir à carreaux
De la glaise de la forêt de Chambiers
Nous sommes les fils, nous y sommes nés
Au village des Rairies
Nous y avons été cuits.
Nous y avons séché,
Nous nous sommes dessiqués.
De la terre crue,
Terre cuite, sommes devenus.
Entassés, brinquebalés, transportés
Nous avons atterri à Mazé
On nous a montés, assemblés
Tout au fond du grenier.
Nous avons connu les feuilles de tabac
Remuées, chaque jour, à la force des bras.
Remplacées, bientôt par les gerbes de blé
Battues, foulées, puis par le tarare, triées.
Après avoir longtemps attendu
Nous fûmes, un jour, descendus
Auscultés, lavés, triés et choisis
Nous fûmes, à nouveau, assemblés; ébahis.
Après toutes ces années, c’est d’un nouveau sol
Dont nous sommes les membres, sans espoir d’envol
Chaque jour, nous sommes foulés
De temps en temps, balayés, aspirés.
Dans nos joints, nos interstices
Des petits insectes, des fourmis, se glissent
Elles nous rappellent notre lointain passé de glaise
Avant qu’un jour, la pelle nous apaise
A devenir cet assemblage
De cette maison, le carrelage.
20 Grande Rue
Soir et matin
Odeur d’humus
De nuit tombée
D’humide fumée
De brumes élevées
La rosée
S’est déposée
Au sol
Sur l’herbe épaisse
Comment affronter
Ce noir de nuit
Cet incertain
Jusqu’au lendemain
Se promener
La nuit
Sans bruit
Sans se déserter
Rentrer chez soi
Sur la tête, un toit
Rêver
De nuits paisibles
Alentour
Monter
De jour, l’indicible
Détour
En moi, des émois
Dignes, sans effroi
Matin ensoleillé
De brouillard, habillé
Bruits de la route
Que l’on devine
Toile tissée
De l’araignée
Le long
Du piquet
Un gros mulot
Trophée
Est présenté
Sur le seuil de la porte
Le romarin
Dressé
Sonne le tocsin
Des odeurs du matin
Instants fugaces
J’ai toujours été
Indiscipliné
De l’autre côté des contreforts
Au cœur de la bambouseraie
Un village gris apparait.
Sur le toit de la maison commune
Nous sommes grimpés
En cinq colonnes, à la une
Nous nous sommes situés.
Nous sommes descendus
Au bout de la rue
Pour y trouver
Un peu d’hospitalité.
Nous avons fui
Les brumes du Nord
Traversé la chaine des puits
La montagne, les contreforts.
Nous nous sommes engagés
Sur un chemin escarpé
Nous y avons rencontré
Une horde de sangliers.
Nous l’avons aperçu, le mas
Tout au loin, en contrebas.
20 Grande Rue
Au château
Des enfants tombaient des toits des maisons, tout là-haut :
Un petit garçon en culottes courtes et pull marin rayé,
Quatre figures juchées sur des bicyclettes à la roue arrière de Grand-Bi,
Une fillette en robe à crinoline, très début de siècle.
Ils tombaient dans cette rue sombre, la rue du Musée, entre l’ancienne caserne des régiments du Roi et celle de l’ancien professeur.
L’esplanade était déserte, balayée par le froid qui bousculait quelques feuilles mortes.
La vallée du Thouet s’étalait en méandres de crue.
Soudain, des cris de courses, des cris de cartables entrechoqués, brisèrent la monotonie de la statue des combattants de 14-18, qui restèrent tout étonnés dans leur position défensive.
La demeure des Ducs de La Trémoïlle, de Marie de la Tour d’Auvergne, après avoir été prison était devenue Collège. La cour n’accueillait plus de carrosses mais des batailles de marrons à travers les flaques, des chahuts, des cris et des bosses.
Dans ce château, j’ai rêvé de dames courtisanes montées dans des calèches attelées de blancs chevaux, accompagnées de damoiseaux.
J’étais ce preux chevalier qui allait protéger toutes ces jeunes filles entre-aperçues.
Ou bien, je serai ce courageux maçon qui élèverait, ses enfants dans un petit logement de la basse ville.
1979 puis 2023
Prochains printemps
Au loin
Les chiens
Aboient
Les passereaux
Piaillent
Les pigeons
Roucoulent
Les bourgeons,
Les premières fleurs
Sont apparus
La pluie
Sans cesse
Manifeste
Son caractère ombrageux
Giboulées
Coups de vent
Le printemps
Se fait désirer
Des hallebardes
Maussades
Se déchainent
Par moment
Les saules
Pleureurs et tortueux
S’inquiètent,
Agités
Eux,
D’habitude
Si paisibles,
Si ancrés
Les érables japonais
Ont remis
Leurs feuilles découpées :
Jaune citron acidulé
Rouge framboise cramoisi
Vert anis étoilé
D’un air inquiet
Mais satisfaits
L’arbre de Judée
De rose, s’est paré
Le cognassier
Offre ses fleurs
Blanches rosées
Au ciel, éloigné
Des bataillons de pâquerettes
Parsèment, coquettes
De leurs collerettes
Blanches étalées
Le champ d’à côté
Les ânes, tout mouillé
Jettent un regard amusé
Les moineaux
Se sont égaillés
Le rouge-gorge
Est venu me questionner :
« Tu n’as pas quelques graines
A me donner ? »
Accalmie
Le soleil éclaircit
Le ciel assombri
D’un seul coup
Brusque et éphémère
La lumière
Pénètre
Le sous-bois endormi
Les intermittences
Se manifestent
Sans préambule
Intenses
Et s’éteignent
Tout aussi brusquement
De branche en branche
Le pinson
Se pose
Agité
Les nuages se pressent
Pour aller déverser
Leurs averses
Avant le déjeuner
Le château d’eau
Se dresse
Flou
Entouré de fumée
Les brins d’herbe
S’agitent
Les branches
Frissonnent
Se balancent
Et se ploient
Sous les caprices
Du vent
Le ciel se colore
De gris
Plus intense
Pluie
A venir
La terre
Se gorge
Emmagasine
Pour les prochains avenirs
Retour à la vie, dans le Baugeois
Les paysans du coin, ont une gueule
De résistants de la dernière guerre
Dans leur costume du dimanche, étriqué
Les crins-crins résonnent dans le cœur des vieux
Quand la routine des en-avant deux
Fait de nouveau flamber leurs sabots.
Café, violon, mandoline, capeline et araire
C’est maintenant les gigues d’Irlande
Qui ouvrent les oreilles des jeunes paysannes.
Ils avaient transformé la cocarde de sainteté
En communes socialisées :
Saint Philbert du peuple, Cheviré le Rouge…
Mais les pins ont remplacé
Chênes et châtaigniers
Les vaches stabulent
Et les lapins granulent
Leur terre est piétinée
De tracteurs de cent chevaux
Les armées de Napoléon n’étaient rien
La terre est maintenant brulée
Par les technocrates champêtres
Des barbus, chevelus, marginaux
Ont envahi les lieux
Ils ambitionnent de faire revivre
Leur pays
Le retour à la terre
Qu’ils disent
Celle qu’ils ont, eux
Jamais quitté.
Tombée de la nuit
Chaque brin se dessine,
Chaque toit se découpe,
Chaque arbre, en sa masse, se précise
Sombre clarté
De la tombée du jour.
Déjà, l’automne laisse deviner ses rouilles
Des lambeaux de nuages gris-rose se trainent
De l’horizon, dans une trouée de lumière
La chauve-souris surgit
Les grillons stridulent
Et c’est bientôt, la nuit.
La Crilousière
Jardin torturé
La valériane
Et les lavandes
Se côtoient
Mais, ne s’apprécient pas
Les acanthes
Dressent
Leurs hampes
Avec mépris
Chaque matin
Le romarin
Lance
Des appels incertains
Le lilas
Dévoile
Ses grappes pyramidales
Rose violet suranné
Pas très odorifères
Cette année
Le saule
De bienvenue
A perdu
De sa superbe
Il est amputé
De sa moitié.
Jour de pleine lune
Le long de l’eau de la rivière
Galopent les chevaux couleur de pierre
La lune rousse, faune échevelée
Suis le cheval blanc dans son galop ailé
La gazelle alléchée par ces prouesses galantes
Se vautre et se fait plus aimante.
La mouche vibre à l’appel silencieux des notes
L’oiseau piaffe et la croque.
La forêt mugit pour faire entendre qu’elle proteste
Un souffle de vent pousse les nuages
La dame des hautes cimes enrage
Pliée sous son fardeau, elle part, sans un geste
La Crilousière