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Quand l’empereur était un dieu – Julie Otsuka

Une famille japonaise, installée aux Etats-Unis depuis de nombreuses années déjà et dont le père de famille se voit embarqué un soir, en pantoufles et robes de chambres aux yeux de tous sous prétexte de faire partie d’une bande de ressortissants étrangers. Nous sommes en 1942, aux lendemains de Pearl Harbor et ce qui ne devait être qu’un interrogatoire pour cet homme sans histoires durera jusqu’à la fin de la guerre pendant que sa femme et ses deux enfants seront parqués dans un camp.
Une histoire sur l’attente, sur l’espérance d’un retour proche dans leur maison et ce qu’ils considéraient jusqu’alors comme leur nouvelle patrie mais qui n’est en réalité qu’un leurre. La honte d’avoir les yeux bridés, la honte d’être « jaune » », la honte d’être un « jap » comme les surnommaient alors les américains, bref la honte d’être ce qu’on est.

Le sujet de ce roman, déjà, ne laisse pas de surprendre – mal informés que nous sommes : les camps de concentration aménagés (fort discrètement) en territoire américain pendant la Seconde Guerre mondiale… à l’usage des citoyens d’origine japonaise.
Si Julie Otsuka a choisi la fiction, elle avoue volontiers que l’histoire qu’elle raconte évoque de très près celle de ses grands-parents, paisibles Californiens qui n’avaient aucune raison de cacher leur ascendance japonaise, arrêtés et déportés par le F.B.I. en décembre 1941, au lendemain de l’attaque de Pearl Harbor, et qui furent maintenus derrière les barbelés, dans des conditions inimaginables, jusqu’à l’été de 1945.
Rien que pour ce qu’il raconte, et que l’on sait si peu, le livre de Julie Otsuka vaudrait d’être lu. Mais le miracle est ailleurs. Le miracle, c’est qu’il nous rend témoins de cette histoire en usant de mots qu’on n’attend pas, dans un style si nu, glacé presque, si violemment débarrassé de toute émotion, de toute protestation, que le peu qu’il livre est insoutenable.
Insoutenable de sérénité, on voudrait dire de poésie si le mot n’avait l’air ici à ce point incongru.

Photographie de Dorothea Lange
Photographies de la War Relocation Authority de l’évacuation et de la réinstallation des Américains d’origine japonaise. UC Berkeley, bibliothèque Bancroft.

La famille de l’auteur (grand-mère en manteau et chapeau ; oncle – garçon devant ; mère – fille avec des tresses détournées de la caméra) peu après leur arrivée au centre de rassemblement du Tanforan Race Track à San Bruno, en Californie, le 29 avril. 1942.
Cinq mois plus tard, ils furent transportés dans un camp d’incarcération à Topaz, dans l’Utah, pour la durée de la guerre.

Julie Otsuka, à Paris. Photographie de Jean-Luc Bertini / Pasco

Née en 1962 en Californie, Julie Otsuka s’est consacrée à l’écriture après avoir commencé une carrière de peintre. Son premier roman « Quand l’empereur était un Dieu » rencontre un immense succès public et critique et son deuxième, « Certaines n’avaient jamais vu la mer », lui apporte la consécration.

1 réflexion sur “Quand l’empereur était un dieu – Julie Otsuka”

  1. Hasard des lectures, je viens de lire deux bonnes BD consacrées aux Japonais d’Amérique enfermés en camp de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. Une souffrance longtemps tue et exprimée une ou deux générations plus tard par les enfants ou petits-enfants :
    – Les indésirables de Kiku Hughes
    – Nous étions les ennemis de George Takei et Harmony Becker

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