PhildeFaire

Air froid

Les saules frissonnent,
C’est l’automne.
Le froid s’immisce,
Dans les interstices.

L’humidité s’insinue,
A perte de vue.
De grandes étendues s’imbibent
Jusqu’aux abîmes.

Bientôt, c’est le gel
Sur les demoiselles
Les paysages déserts
Du début d’hiver.

Immobile, froid, sec et glacé
L’air pur fait trembler
Les amoureux abonnés
De balades emmitouflées.

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La jeunesse d’Etienne Migeon dit Tétène

Le 17 mars 1903, Etienne Migeon nait à Doret, village de la commune de Missé, près de Thouars, dans le nord du département des Deux-Sèvres. Son père Ernest est déclaré journalier et sa mère Henriette, ménagère.

Début 1906, les parents Migeon emmènent leur trois fils (Edouard né en 1900 à Mouilleron en Pareds, Vendée, Etienne né en 1903 à Missé et Marcel né en juillet 1905 à Missé) dans un studio photographique thouarsais.

Edouard, Marcel, Etienne

Etienne est élevé par ses grands-parents maternels

Au recensement de Missé de 1906, Etienne n’apparait pas dans la liste des personnes qui vivent dans le foyer de ses parents

Parents : Migeon Ernest François Eugène x Humeau Henriette
Enfants :

Edouard né en 1900 à Mouilleron en Pareds Vendée
Marcel né en 1905 à Missé
Poupard Charles né en 1904 nourrisson

Henriette, la maman, est devenue nourrice, d’autres enfants que les siens. Un an après la naissance d’Etienne, la famille Poupard lui a confié leur fils Charles, né le 21 mai 1904, comme il était de coutume pour les familles aisées, à cette époque. La famille Poupard, habite Thouars, le père Louis est caissier et sa femme Victorine n’exerce pas de profession. Henriette, ayant eu un nouvel enfant (Marcel) en 1905… elle est toujours nourrice en 1906.

Etienne a été confié à ses grands-parents maternels, Jean et Victorine Humeau qui habitent la Renaudière sur la commune de Le Tallud-Sainte-Gemme en Vendée où nous le retrouvons aux recensements de 1906 :

et de 1911 :

Famille Humeau – Migeon photo prise en septembre – octobre 1903
peut-être à l’occasion du baptême d’Etienne alors âgé de 6-7 mois

Sur cette photo, Etienne Migeon a 6-7 mois, il est sur les genoux de sa maman et son papa a la main sur l’épaule de sa maman.
Ses parents :
Migeon Ernest François Eugène (1873-1937)
Humeau Henriette Victorine (1880-1954)
Ses grands-parents maternels qui ont debout devant eux Edouard, le frère d’Etienne alors âgé de 3 ans, qui vont élever Etienne, lorsque sa mère deviendra nourrice de ses 3 ans à ses 18 ans.
Humeau Jean Augustin (1847-1933)
Souchet Jeanne Victorine (1852-1933)
Sa tante et son oncle (sœur et frère de sa maman) :
Humeau Marie-Louise Victorine (1875-1951)
Humeau Ferdinand Eugène Auguste (1877-1950) et sa femme à ses côtés :
Mercier Cécile Ernestine Florence (1881-   )

Souchet – Humeau Jeanne Victorine photo prise entre 1925 et 1930

Etienne a passé toute son enfance dans la ferme de ses grands-parents Humeau en Vendée. Il reviendra dans les Deux-Sèvres à Luché Thouarsais, lieu de résidence de la famille Migeon en 1921 ou 1922.

En 1923, Etienne est conscrit à Argenton l’Eglise

Etienne a appris à jouer du clairon. Nous le voyons ici au premier rang, le clairon dans la main droite, la cigarette dans la main gauche, sur la photo des conscrits d’Argenton l’Eglise classe 1923.

Etienne effectue son service militaire au 31ème Régiment d’Infanterie à la caserne des Tourelles dans le XXème arrondissement de Paris.

Il est incorporé le 11 mai 1923. Il joue du clairon dans la Musique du Régiment.
Il passe 1ère classe le 23 novembre 1923.

Il finit son service militaire le 7 novembre 1924 et obtient le certificat de bonne conduite.

Tétène, un homme simple et sans malice

Tétène, le grand-père de mon épouse Corinne, était un homme simple et sans malice.
Il aurait pu être empli de rancœur de ne pas avoir été élevé par ses parents, de ne pas avoir eu sa place dans leur foyer.
Il aurait pu en vouloir à ce Charles Poupard, plus nanti que lui, qui avait pris sa place auprès d’Henriette, sa mère.
Qu’elle ne fut pas ma surprise…
Etienne n’éprouvait pas de rancune, il prenait la vie comme elle venait…
Pour preuve cette photo, datée des années 50 – 60 ou l’on voit Etienne et Charles Poupard partir ou revenir ensemble d’une partie de chasse.

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3333352 - Quand l'empereur était un dieu - Julie Otsuka - Photo 1/1

Quand l’empereur était un dieu – Julie Otsuka

Une famille japonaise, installée aux Etats-Unis depuis de nombreuses années déjà et dont le père de famille se voit embarqué un soir, en pantoufles et robes de chambres aux yeux de tous sous prétexte de faire partie d’une bande de ressortissants étrangers. Nous sommes en 1942, aux lendemains de Pearl Harbor et ce qui ne devait être qu’un interrogatoire pour cet homme sans histoires durera jusqu’à la fin de la guerre pendant que sa femme et ses deux enfants seront parqués dans un camp.
Une histoire sur l’attente, sur l’espérance d’un retour proche dans leur maison et ce qu’ils considéraient jusqu’alors comme leur nouvelle patrie mais qui n’est en réalité qu’un leurre. La honte d’avoir les yeux bridés, la honte d’être « jaune » », la honte d’être un « jap » comme les surnommaient alors les américains, bref la honte d’être ce qu’on est.

Le sujet de ce roman, déjà, ne laisse pas de surprendre – mal informés que nous sommes : les camps de concentration aménagés (fort discrètement) en territoire américain pendant la Seconde Guerre mondiale… à l’usage des citoyens d’origine japonaise.
Si Julie Otsuka a choisi la fiction, elle avoue volontiers que l’histoire qu’elle raconte évoque de très près celle de ses grands-parents, paisibles Californiens qui n’avaient aucune raison de cacher leur ascendance japonaise, arrêtés et déportés par le F.B.I. en décembre 1941, au lendemain de l’attaque de Pearl Harbor, et qui furent maintenus derrière les barbelés, dans des conditions inimaginables, jusqu’à l’été de 1945.
Rien que pour ce qu’il raconte, et que l’on sait si peu, le livre de Julie Otsuka vaudrait d’être lu. Mais le miracle est ailleurs. Le miracle, c’est qu’il nous rend témoins de cette histoire en usant de mots qu’on n’attend pas, dans un style si nu, glacé presque, si violemment débarrassé de toute émotion, de toute protestation, que le peu qu’il livre est insoutenable.
Insoutenable de sérénité, on voudrait dire de poésie si le mot n’avait l’air ici à ce point incongru.

Photographie de Dorothea Lange
Photographies de la War Relocation Authority de l’évacuation et de la réinstallation des Américains d’origine japonaise. UC Berkeley, bibliothèque Bancroft.

La famille de l’auteur (grand-mère en manteau et chapeau ; oncle – garçon devant ; mère – fille avec des tresses détournées de la caméra) peu après leur arrivée au centre de rassemblement du Tanforan Race Track à San Bruno, en Californie, le 29 avril. 1942.
Cinq mois plus tard, ils furent transportés dans un camp d’incarcération à Topaz, dans l’Utah, pour la durée de la guerre.

Julie Otsuka, à Paris. Photographie de Jean-Luc Bertini / Pasco

Née en 1962 en Californie, Julie Otsuka s’est consacrée à l’écriture après avoir commencé une carrière de peintre. Son premier roman « Quand l’empereur était un Dieu » rencontre un immense succès public et critique et son deuxième, « Certaines n’avaient jamais vu la mer », lui apporte la consécration.

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L’Education Sexuelle – Jean Marestan

Je m’apprêtais à faire du tri et à me débarrasser de vieux livres chinés ou hérités quand ma curiosité me fit feuilleter ce livre : L’Education Sexuelle écrit par Jean Marestan, édité en 1934.
Je m’attendais à quelque livre moralisateur, prônant l’hygiène et les bonnes mœurs…
Qu’elle ne fût pas ma surprise…

C’est tout d’abord des citations de Montaigne qui attirèrent mon regard et m’incitèrent à prolonger ma lecture :
« Qu’a donc fait aux hommes l’action génitale, si naturelle et si nécessaire, pour la proscrire et la fuir, pour n’oser en parler sans vergogne et pour l’exclure des conversations ? On prononce hardiment les mots tuer, voler, trahir, commettre un adultère, etc… et l’acte qui donne la vie à un être, on ose le prononcer !… O fausse chasteté ! honteuse hypocrisie ! »
« Ne sont-ils pas bien brûtes ceux qui nomment brutal l’acte qui leur a donné le jour ? »

Quelques extraits vous permettront de juger que ce livre était bien au contraire d’une modernité émancipatrice :

Peu après l’apparition de la puberté, les voluptés de l’amour deviennent pour l’appareil génital un besoin aussi pressant que les aliments pour l’estomac, et il n’y a que les gens atteints d’imperfection, d’atrophie ou d’absence des organes génitaux qui puissent rester, sans menace de troubles plus ou moins graves, strictement fidèles aux vœux de la continence absolue. (…)

C’est dans l’absurde et féroce loi de Moïse (opprobre jeté, sur les relations sexuelles légales, sur l’enfantement ou la femme la plus chaste est présentée, de par sa fonction procréatrice, comme un être de perdition…) qu’il faut chercher la genèse des sentiments d’horreur pour tout ce qui a trait à l’amour sexuel, sentiments dont s’inspirent, aujourd’hui encore, les moralistes officiels de la plupart des nations civilisées. (…)
Cet étrange code de morale né près de dix-huit cents ans avant Jésus-Christ, devait avoir sur le christianisme d’abord, sur le catholicisme ensuite, et sur les coutumes des sociétés qui leur furent soumises, une répercussion profonde. (…)
Ainsi la tradition veut que Jésus reçût le jour d’une vierge qui avait obstinément refusé les caresses de son époux, et qui conçut sans étreinte, fécondée par l’Esprit Saint. On ne pouvait admettre que le Fils de l’Homme n’eût pas de mère ; on ne pouvait pas plus reconnaître qu’il fût né, comme le commun des mortels, des suites d’un acte jugé impur. Mais c’était nettement glorifier la virginité aux dépens de la maternité et montrer même au sein du mariage religieux, la consommation des épousailles comme une souillure. (…)

Aussi est-il souverainement injuste de faire honte aux individus, particulièrement aux femmes comme c’est la coutume, d’avoir des passions sexuelles fortes, et de les soumettre pour cela à la réprobation. (…)
Le degré de civilisation des peuples se mesure à l’importance et au respect accordés à la femme dans la vie publique. Il appartient à la société de proclamer l’égalité entière des sexes. (…)
S’il est un droit imprescriptible, c’est celui de disposer entièrement de soi. (…)

Mes recherches sur ce livre et son auteur m’apprirent que la première édition de ce livre eut lieu en 1910…

Mais qui était donc ce Jean Marestan ?

1905

Jean Marestan, de son vrai nom Gaston Havard, né le 5 mai 1874 à Liège (Belgique), mort le 31 mai 1951 à Marseille (Bouches-du-Rhône), aurait été le fils naturel d’un médecin belge ; la famille de sa mère, une Française musicienne et peintre, s’était exilée après la guerre franco-allemande.
Des revers de fortune l’obligèrent à interrompre des études médicales et il vint à Paris, attiré par les lettres. Il s’installa sur la Butte Montmartre et fréquenta les ateliers de peintres, les milieux artistiques et connut les littérateurs d’avant-garde.

Il adhéra très vite au mouvement anarchiste : on trouve son nom dans les carnets de Sébastien Faure en 1894. Il compta parmi les premiers rédacteurs du Libertaire, fondé en février 1895 par Sébastien Faure et Louise Michel.
Plus tard, il collabora aussi à L’anarchie (n° 1, 13 avril 1905). En 1906, il s’élèvera contre « l’espèce d’auréole dont les révolutionnaires, d’esprit plus romanesque que positif, avaient paré la silhouette du trimardeur et de l’assassin » (L’anarchie, 1er novembre 1906).

Marestan fut attiré un moment par les milieux magnético-spirites. C’est à cette occasion qu’il se découvrit des talents de guérisseur, qu’il exerça ensuite pendant longtemps. Il publia en 1901 à Paris une plaquette éditée par la Société des journaux spiritualistes réunis, Le Merveilleux et l’Homme coupé en morceaux.

Il s’installa à Marseille en 1903, 10 boulevard Philippon, et anima le groupe de jeunes sympathisants libertaires Les Précurseurs. Dès cette époque, il commença à se faire connaître comme conférencier. Les problèmes sexuels l’intéressaient avant tout et il se joignit bientôt au groupe des néo-malthusiens, apportant son concours à Génération consciente fondée en 1908 par Eugène Humbert.

En 1910, Jean Marestan publiait aux éditions de La Guerre sociale son livre L’Éducation sexuelle qui obtint un réel succès, fut traduit en cinq langues et réédité plusieurs fois en France.

À Marseille, l’activité de Jean Marestan fut grande et il devint vice-président de la section des Bouches-du-Rhône de la Ligue des Droits de l’Homme et président d’honneur de la Libre Pensée.
De 1912 à 1913 notamment, il parcourut la France entière, donnant des conférences sur l’éducation sexuelle et le problème des familles nombreuses. Parallèlement, il se dépensait en faveur du mouvement antimilitariste et contre les bagnes militaires qu’il avait eu l’occasion d’approcher au cours d’une enquête en Algérie.

En 1914, il fut mobilisé dès le début des hostilités au 42e régiment d’infanterie à Carqueiranne dans le Var puis au 112e régiment d’infanterie, enfin muté dans le service sanitaire et affecté comme infirmier à l’Hôtel-Dieu à Paris.

Après la guerre, Marestan fit de nombreuses conférences dans la région marseillaise et prit part à diverses campagnes de solidarité. Il parla notamment « Pour l’amnistie intégrale, contre la guerre » en mai 1924 et sur « Éducation sexuelle intégrale, liberté sexuelle et amour libre » en janvier 1927 et fit des causeries sur la libre pensée, le communisme, le soutien aux victimes de la répression en Espagne.

Une réédition de son livre sur l’éducation sexuelle lui valut en 1920 un contrôle durable de la police, bien qu’il ait proposé de le retirer de la vente et d’en faire une nouvelle version qui n’enfreindrait pas la loi.

Il fut initié à la franc-maçonnerie et fréquenta la loge La Parfaite Union de Marseille.
Marestan, qui ne fut, « à aucune époque, un orthodoxe de l’anarchisme, éprouva certaines sympathies pour l’URSS. En 1936, après un voyage en URSS, il tenait « pour profondément injuste » de ne pas faire de distinction entre les régimes fascistes d’Italie et d’Allemagne et celui de « l’actuelle Russie rouge, alors même que cette dernière n’aurait pas évolué dans un sens absolument conforme à celui de nos espérances »

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Marestan s’occupa d’insoumission et de résistance. Il fut arrêté le 26 février 1943 et resta emprisonné une centaine de jours à la prison Saint-Pierre de Marseille. Après la Libération, il maintint des rapports étroits avec les milieux anarchistes. En 1949, il effectua, sous l’égide de la Fédération anarchiste, une série de conférences sur « l’Éducation sexuelle », à Clermont-Ferrand, Saint-Étienne et Roanne.

Les publications de Jean Marestan

Le Merveilleux et l’homme coupé en morceaux, Société des journaux spiritualistes réunis, 1901, 64p.
Le Mariage, l’Amour Libre et la Libre Maternité, Éditions de Génération consciente, 1911.
L’Éducation sexuelle, Paris, La Guerre Sociale, 1910.
Biribi d’hier et d’aujourd’hui, Marseille, Éditions rationalistes, s. d. (vers 1913)
Le Mariage, le divorce et l’union libre (1927)
L’Émancipation sexuelle en URSS : impressions de voyages et documents (1936)
L’Impudicité religieuse (vers 1934-1939)
Nora ou la Cité interdite (Provencia, 1950)

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Une reconstitution de l'inhumation de la fillette dans la grotte d'Arma Veirana

Ornements et porte-bébé : les révélations de la plus ancienne tombe de nourrisson de sexe féminin jamais retrouvée

 Marine Benoit le 19.10.2022 à 09h14 

La sépulture d’un bébé âgé de quelques semaines seulement révèle qu’au Mésolithique, il y a environ dix millénaires, les plus petits, garçons ou filles, étaient traités avec soin et enterrés avec des ornements transmis sur plusieurs générations.

Une reconstitution de l'inhumation de la fillette dans la grotte d'Arma Veirana
Une reconstitution de l’inhumation de la fillette dans la grotte d’Arma Veirana, au nord de l’Italie.
MAURO CUTRONA

La sépulture est émouvante, tant pour sa rareté que pour ce qu’elle nous dit des hommes et des femmes qui peuplaient cette région de l’Europe il y a environ 10.000 ans. Découverte en 2017 dans une grotte d’Arma Veirana, en Ligurie (Italie), elle contenait les restes d’un nourrisson, une petite fille, âgée d’un mois et demi environ et surnommée Neve par les chercheurs. Analysés finement par une équipe de d’archéologues et d’anthropologues de l’Université de Montréal, les minuscules ossements, tout comme les coquillages perforés qui les accompagnaient, ont pu livrer, cinq ans après avoir été sortis de terre, des informations inédites sur le soin apporté à l’inhumation des bébés à la fin du Mésolithique, et sur la symbolique des ornements destinés à les accompagner dans l’au-delà. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication dans le Journal of Archaeological Method and Theory, le 30 août 2022.

Des coquillages cousus sur une écharpe de portage

Si les tombes d’enfants au Mésolithique sont relativement exceptionnelles, celles de nourrissons se comptent sur les doigts de la main. Aussi la façon dont les plus jeunes étaient parés et enterrés par leurs aînés, révélatrice de la place qui leur était accordée dans ces sociétés préhistoriques de leur vivant, reste nimbée de zones d’ombre. Ces dernières années pourtant, le développement de nouvelles technologies a permis d’éclairer d’un jour nouveau des sépultures à ornements déjà recensées et étudiées par les archéologues, comme celle de Neve. « Grâce à la photogrammétrie, nous avons pu créer un modèle 3D du petit squelette – aussi fragile que du beurre – et en apprendre davantage sur lui », explique à Sciences et Avenir Claudine Gravel-Miguel, archéologue affiliée à l’Université d’Arizona et chercheuse invitée dans le laboratoire d’anthropologie de l’Université de Montréal. « Nous avons notamment pu déterminer la position des perles faites de coquillages Columbella rustica – préférés au Mésolithique – et émettre notre hypothèse sur la façon dont elles étaient disposées sur le nourrisson. » 

Les quatre pendentifs plus grands.  Crédit : Université de Montréal
Les petits coquillages répertoriés en fonction de leur emplacement au niveau du squelette.
Crédits : C. Gravel-Miguel / Université de Montréal

Il est apparu que les coquillages devaient être cousus sur une écharpe, probablement faite de cuir, qui enveloppait le corps du bébé à la manière d’un lange. « En archéothanatologie, la position de certaines connexions osseuses peut être utilisée pour évaluer si un corps a été enveloppé, et c’est le cas ici », assure la chercheuse. Claudine Gravel-Miguel et son équipe poussent l’hypothèse un peu plus loin : du vivant de l’enfant, ce même lange pourrait avoir servi d’écharpe de portage, ou « porte-bébé ». En effet, des recherches récentes suggèrent que le besoin de porter les nourrissons pourrait être apparu dès que les homininés sont devenus bipèdes (résidus de peau et de tissu interprétés dans ce sens, peintures rupestres figurant des scènes de portage…). « Il s’agissait pour les parents de garder leur enfant près d’eux tout en permettant leur mobilité, comme on le voit dans certains groupes de fourrageurs modernes », affirme Claudine Gravel-Miguel. « Il ne serait pas incohérent de faire remonter cette pratique encore un peu plus loin dans le temps, même si nous ne pouvons dépasser le stade de la spéculation sur la façon dont l’écharpe enveloppant ici le nouveau-né était utilisée. »

Une fonction magique ?

L’écharpe présentait plus de 70 petits Columbella rustica et quatre gros pendentifs bivalves perforés, d’environ quatre centimètres de longueur, encore jamais observés sur d’autres sites préhistoriques. Pour les chercheurs, cette taille imposante renforce considérablement l’hypothèse d’une écharpe ornée, les coquillages ne pouvant être utilisés comme des bijoux sur un si petit enfant. Fixés à l’écharpe, ils auraient plutôt créé du bruit – un doux cliquetis – qui pourrait avoir eu une fonction particulière. De là à parler de bruit destiné à l’éveil du bébé ? « Ce n’est pas exclu », répond Claudine Gravel-Miguel, « mais impossible là encore à affirmer ».

 Crédit : Université de Montréal
Une reconstitution de la sépulture. Crédits : C. Gravel-Miguel / Université de Montréal

Par ailleurs, la plupart des perles présentaient les marques d’une usure résultant d’une utilisation « sur une période considérable », équivalente à plusieurs générations. « Compte tenu de l’effort qu’il fallut pour créer et préserver ces perles au fil du temps, il est intéressant de constater que la communauté a décidé de s’en séparer lors de l’enterrement d’un si jeune individu », fait remarquer l’experte, qui propose deux explications possibles : les ornements ont pu constituer l’héritage du petit être parti précocement, marquant ainsi sa valeur aux yeux de la communauté, ou incarner une forme de protection contre des forces négatives. Ayant échoué à leur fonction, ils auraient ainsi été enterrés avec le corps plutôt que réutilisés. « Nous avons en tout cas observé au sein de populations de chasseurs-cueilleurs modernes ce rôle de ‘repoussoir de forces négatives’ attribué à certains ornements. »

Des indices précieux sur la place des filles

La petite tombe en dit en tout cas long sur la place accordée aux nouveaux-nés, membres les plus fragiles des populations en des temps où les soins médicaux étaient quasi inexistants et les dangers de la vie nomade constants. « La tombe de Neve est la première à présenter autant d’ornements. Elle démontre clairement que les femmes – et surtout les petites filles – étaient importantes au sein des communautés du Mésolithique. » Nous pouvions en effet encore en douter : les plus anciennes tombes de bébés répertoriées (et permettant de déterminer le sexe du défunt) avaient jusqu’ici toutes été attribuées à des individus de sexe masculin. Celle de Neve est enfin venue faire exception, prouvant que les petites filles étaient inhumées avec le même égard que les petits garçons.

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Les généalogistes vus par les sociologues – Stéphane Cosson  

Stéphane Cosson est généalogiste professionnel depuis l’an 2000. Il exerce essentiellement sur la région Occitanie. Il dispense des cours à l’Université de Nîmes dans le cadre du DU « Généalogie et Histoire des familles ».

La généalogie est la science qui a pour objet la recherche de l’origine et l’étude de la composition des familles. Une généalogie ? La liste des membres d’une famille établissant une filiation. Que vous cherchiez à établir vos ascendances ou les liens qui vous unissent à vos lointains cousins, vous êtes généalogiste.

Une généalogie, c’est remonter de génération en génération si vous la faites ascendante. C’est en même temps remonter la mémoire familiale. Génération, mémoire familiale sont des notions qui ont intéressé les sociologues dès 1925, bien avant que la généalogie ne devienne un fait de société.

Génération et mémoire familiale

Une génération au départ c’est la reproduction de l’espèce humaine. Mais ce n’est heureusement pas que cela. Entre chaque génération, il y a aussi une dimension symbolique : transmettre un statut, des biens…C’est aussi transmettre la mémoire.

Mémoire ou mémoires ? La question n’est pas anodine. Il existe en effet plusieurs mémoires. Celle qui a intéressée en priorité les sociologues est la mémoire de la famille en milieu urbain. Une étude a ainsi été menée en 1956 auprès d’un groupe de migrants d’origine italienne disséminé dans Londres et, en même temps, auprès d’ouvriers habitant le sud de Londres.

Les sociologues furent surpris des résultats. Les uns comme les autres connaissaient de nombreuses personnes de leur parenté, étant inclus les parents morts, les consanguins et les alliés.

Deuxième surprise dans les résultats : la mémoire des parents morts était sélective. Ils pouvaient se souvenir de liens lointains parce que cet apparentement pouvait être flatteur mais pas forcément de liens proches si les rapports familiaux avaient été conflictuels. La mémoire familiale pouvait être sélective.

En même temps, les personnes interrogées étaient plus dans une généalogie horizontale que dans une généalogie verticale. Autrement dit, il est plus simple de se souvenir des parents qui vivent en même temps que nous que de ceux qui ont vécu avant nous. Si on part de soi, la plupart du temps, on se souvient des deux générations qui nous ont précédées et des deux qui nous suivent.

Troisième surprise : le pivot. La personne qui en connaît beaucoup plus que les autres, celle à qui ont fait systématiquement appel quand on oublie les liens de parenté car elle, elle les connaît.

Les sociologues se sont donc trouvés devant la mémoire d’un groupe familial plutôt que devant la mémoire d’un individu. Et derrière, il y a bien sûr l’histoire familiale qui suit.

Les supports de la mémoire

La mémoire, elle ne vient pas comme cela, ex nihilo. Elle ne flotte pas dans le vide, attendant qu’on la sollicite. La mémoire, ce n’est pas le système solaire avec des planètes isolées les unes des autres. La mémoire, elle est formée de ponts. C’est un vaste réseau de ponts qui servent de supports, sur lesquels on peut marcher sans avoir peur.

Ces ponts, ces supports, quels sont-ils ? Vous pouvez en priorité trouver la maison, celle qu’on a pu se transmettre pendant plusieurs générations.

Ce peut aussi être des objets, des meubles, des bibelots : le châle préféré de la grand-mère, l’armoire qui vient de la mère de la grand-mère de la grand-mère et qui est toujours là, un peu branlante vu son âge vénérable mais encore solide, ce canapé acheté en même temps qu’une naissance. Bref, des objets que l’on s’approprie, qui se différencient les uns des autres, même quand ils ont été fabriqués en série, car ils ont chacun une histoire différente.

La mémoire, elle s’accroche à ces objets. Elle a des repères pour revenir. Chacun de ces objets est une madeleine de Proust : Une simple odeur et la mémoire jaillit. Des objets, des meubles, des bibelots : bref, pas des produits de consommation courante mais de ceux qui ont une longue durée de vie, de ceux que l’on peut transmettre, en sautant parfois une génération. On ne garde pas un ordinateur ou une voiture pour les transmettre aux petits-enfants mais on garde des meubles.

Lors de son enquête sur Minot, Françoise Zonabend a ainsi rencontré une femme qui pouvait retracer toute sa parentèle rien qu’à travers un buffet, une armoire et une cafetière. Trois objets, seulement trois objets et des centaines de personnes qui apparaissent d’un coup.

Mais en même temps, hériter peut ne pas être simple. Anne Gotman, en 1989, a écrit : « L’héritage est un travail de deuil, de séparation symbolique des vivants d’avec les morts, et aussi un travail de succession entre générations, l’ultime étape de la résolution de leurs anciens rapports. »

Un objet peut donc être chéri ou détesté, tout comme la personne qui l’a transmis. On va choisir ce qui va procurer du plaisir, ce qu’on va avoir envie de transmettre à notre tour. C’est aussi cela la mémoire.

Les généalogistes vu pas les sociologues

Pour un sociologue, la généalogie, c’est en premier lieu une construction. On choisit ses ancêtres, ceux avec qui on a envie de s’identifier. Vous n’avez jamais fait cette expérience ? Allons donc ! Par qui avez-vous commencé vos recherches ? Et pourquoi eux d’abord ? Qu’est-ce qu’ils vous rappelaient de souvenirs heureux ? Quels sont les ancêtres qui vous intéressent le plus ?

Combien de fois, en tant que généalogiste professionnel, j’ai entendu dire mes clients : « On va commencer par eux. Les autres, on verra en suivant. Mais cette branche en premier lieu ! ».

Je l’ai dit au début : dans l’histoire familiale, il y a le pivot. Celui qui connaît les relations disparates, celui que l’on vient interroger. Et si, à travers vos recherches généalogiques, vous désiriez être tout simplement le nouveau pivot, pas celui qui connaît forcément les liens horizontaux mais celui qui peut rappeler les liens oubliés, les liens verticaux ?

Et si, à travers les recherches généalogiques, c’est aussi une petite part de vous-mêmes que vous recherchiez ? Si vous reconstruisiez différemment votre histoire familiale ?

Et si vous vouliez aussi établir l’ancienneté de votre lignée ? « Des Coutouly, j’en connais depuis 1337 sur ce lieu ! C’est dire ! » 1337, presque aussi vieux que certaines familles nobles. Et pourtant il ne s’agit que d’une famille roturière. Comme quoi, il n’y a pas que les nobles que l’on peut remonter loin !

Tous, nous avons trouvé peu ou prou un implexe : des cousins lointains se mariant entre eux, des ancêtres portant plusieurs numéros Soza-Stradonitz. Qui ne s’est pas amusé à compter les générations séparant le couple de l’implexe de leur ancêtre commun ? Qui n’a pas recherché une dispense de parenté en série G aux Archives Départementales ? Qui ne s’est pas extasié devant ces dispenses en latin au milieu des registres paroissiaux, à essayer de lire les noms des parties ?

Faire sa généalogie, n’est-ce pas aussi la vivre au quotidien, dans l’espace domestique : à la place des multiples objets que peuvent posséder les familles aristocratiques prouvant la présence des ancêtres, vous avez les classeurs, les arbres qui prennent de la place, les prises de notes, l’ordinateur réservé à cela qui trône parfois. Dans les deux cas, le sentiment de la filiation demeure, entretenu par un va-et-vient permanent entre les traces matérielles du passé et la transmission orale.

Mais en même temps, les sociologues ont cerné chez les généalogistes une population à la mémoire cassée. Il faut attendre la deuxième moitié des années 1970 pour voir le souci généalogique cesser d’appartenir aux aristocraties du sang et de la terre et envahir la France. Deuxième moitié des années 1970 : la date n’est pas anodine. Elle a été étudiée par les sociologues. Pourquoi ce moment-là en particulier ?

Trois hypothèses répondent selon eux à trois types de désirs généalogiques :
1- Le premier correspond aux zones de fort exode rural depuis le milieu du 19e siècle et constitue pour les émigrés et leurs lointains descendants une forme de retour archivistique au pays. Sauf que certaines grandes terres d’émigration ne correspondent pas à ce schéma et il faudrait étudier alors localement le pourquoi de cela.
2- Le deuxième relève des drames de l’histoire et des défaites militaires de la France. La généalogie servirait ici à apaiser une certaine inquiétude de la nationalité, en « calant » dans la verticalité de l’histoire des identités familiales capables de transcender le trop mouvant dessin des frontières depuis 1870.
3- La troisième hypothèse serait que la généalogie vient panser les blessures de la crise économique du deuxième quart du 20e siècle dans la France anciennement industrielle.

La généalogie est de ce fait bien autre chose qu’un loisir, une thérapie inconsciente à l’encontre des pertes et deuils de l’histoire individuelle ou collective. L’essor de la généalogie se situe au moment de la grande crise économique du dernier quart du 20e siècle, après la « révolution » de mai 1968 où sont apparues d’autres aspirations philosophiques de la vie.

La fonction première de cette nouvelle généalogie paraît être le retour à la terre nourricière. Une autre fonction pourrait être de permettre la réalisation d’un travail de recollement, de pardon suite à l’éclatement de la famille, au manque de repères, une « psychanalyse des pauvres et des modestes » selon Martine Ségalen, André Burguière et Philippe Lejeune.

Qu’en sera-t-il de la transmission de cette mémoire patiemment mise à jour ? Certains de mes clients se demandent déjà à qui la donner, les enfants n’étant pas intéressés. Je leur conseille alors de prendre contact avec le service des Archives Départementales. Ils n’y auront pas passé des heures et des heures pour rien. D’autres pourront connaître leur travail après eux.

Est-ce aussi pour cela que les généalogistes transmettent leurs arbres à différentes sociétés comme Ancestry ? Sans doute aussi. Une fois sur la Toile, cela ne pourra s’oublier.

Les généalogistes vus par les sociologues – Stéphane Cosson   Lire la suite »

Dan Waddell – Les enquêtes du généalogiste

Dan Waddell, né en 1972 à Pudsey dans le Yorkshire, est un écrivain britannique, auteur de roman policier et de littérature d’enfance et de jeunesse.
Fils d’un célèbre animateur de télévision, Dan Wadden a travaillé comme journaliste pigiste pour de nombreux titres de presse Outre-Manche.
En 2003, à la naissance de son fils, il s’intéresse à l’origine de sa famille et entame des recherches généalogiques. Il découvre un secret de famille et réalise combien le passé influe sur la personnalité.
Il imagine alors une série policière autour de la généalogie, où des crimes passés viennent hanter le temps présent.

Code 1879

Le cadavre d’un homme poignardé et amputé des deux mains vient d’être découvert, abandonné dans un cimetière de l’ouest londonien. Lors de l’autopsie, l’inspecteur Grant Foster remarque, gravée au couteau dans la peau de la victime, une inscription énigmatique pour l’interprétation de laquelle il fait appel à Nigel Barnes, généalogiste professionnel. Alors qu’un deuxième corps est identifié comme étant l’œuvre du même assassin, leurs recherches vont les plonger dans les bas-fonds du Londres victorien et les conduire dans les méandres obscurs d’une affaire criminelle de la fin du XIXe siècle qui semble liée aux meurtres. Si leur intuition se confirme, d’autres victimes sont à redouter… Atmosphère brumeuse, suspense et humour assurent la réussite de ce premier volet d’une série originale qui interroge le passé pour mieux démasquer les monstres de notre temps.

Depuis le temps de vos pères

Enquête sur le fil du rasoir dans la communauté mormone, de la Grande-Bretagne aux États-Unis. Entre meurtres et disparitions d’enfants, l’inspecteur Foster et le généalogiste Nigel Barnes doivent remonter dans le temps pour arrêter un criminel sans pitié.

La Moisson des innocents

Ils furent deux enfants assassins, condamnés pour avoir battu à mort un vieil homme sans défense. Deux garçons maudits qui ont purgé leur peine et se construisent une vie d’adulte sous une nouvelle identité. Mais un justicier a retrouvé leur trace… L’inspecteur Foster revient sur la scène du passé, qui est non seulement celle du crime mais celle de ses propres souvenirs. Et Dan Waddell débrouille avec une habileté machiavélique l’écheveau des souvenirs.

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Zappy

Avis !
On recherche Zappy.
Il mange des frites
Au coin du bar de Belgique.
C’est un drôle d’oiseau,
Tout du zigoto.

Les flics sont venus, pour l’emmener
A l’armée.
Zappy
Est insoumis !
Il ne connait rien aux pas,
Et ne s’en remettrait pas.
Il n’est pas de ceux qu’on range
Dans des boites étranges.

Le colonel amusé
L’a regardé, sous le nez :
« Z’êtes pas bavard,
Mon gaillard. 
Psychotique, 4ème degré !
Z’êtes réformé. »

Zappy
Est reparti…
Manger ses frites
Au coin du bar de Belgique.

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Voyage en train

Ils sont restés au pays, les fils d’ouvriers.
Ils ne sont pas blasés par les conversations de comptoir, de troquet ; habitués.
L’omnibus quotidien monotone rythme leur vie monocorde.
Il les emmène pourtant, surplombant la Loire en crue, majestueuse, traversant les forêts ombragées, dévoilant les châteaux d’eau, les vignes alignées, les champs, tout de verdure, endimanchés.

Les bribes du service, les lient au retraité qui rentre chez lui.
Le nivèlement de leurs envies est intervenu ;
La solennité ingrate du terroir leur renvoie son miroir.
Celui de ces moutons qui paissent, de ces champs qui s’étirent, de ce pays plat.

J’ai longtemps envié la quiétude de leurs certitudes.
J’aurai pu être des leurs.
Je suis de ce pays.
Mais, je ne parle plus leur langue.

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