Kafū Nagai, de son vrai nom, Sōkichi Nagai, est un écrivain et nouvelliste japonais né à Tokyo, le 04 décembre1879, mort à Ichikawa, le 30 avril1959. Il est reconnu pour ses œuvres décrivant le Tōkyō du XXe siècle, et particulièrement le monde de la prostitution et des geishas.
Biographie
Kafū, né à Tokyo, au numéro 45 de la Kanetomi-chō, dans l’arrondissement de Koishikawa, est le fils de Kyūichirō Nagai, bureaucrate et homme d’affaires qui devint célèbre plus tard pour ses poèmes en style chinois. Kafū est l’aîné de trois frères et sœurs. Lors de la naissance de son frère en 1883, il est envoyé dans la famille de sa mère puis rentre chez lui en 1886 lors de son entrée à l’école secondaire. En 1891, il intègre une école privée de langue anglaise à Tōkyō. Toutefois, il passera de nombreux mois entre 1894 et 1895 à l’hôpital d’Odawara, sans doute atteint de la tuberculose. À l’âge de dix-sept ans (1896), bien qu’échouant aux examens d’entrée à l’université, il est diplômé de son école. Cette même année, il commence l’étude des poèmes chinois et entame une longue série de visites dans le quartier chaud de Yoshiwara (à Tōkyō). Plus tard, il rend visite à son père à Shanghai qui y est employé par la compagnie Nippon Yusen. Il rentre à l’automne et devient employé dans le département de langue chinoise d’une université de langues étrangères. En 1898, Kafū commence à écrire de courtes nouvelles. Dans le même temps, il étudie avec Ryūrō Hirotsu. Deux ans plus tard, il publie quelques nouvelles après avoir quitté son poste à l’université. Il trouve par la suite un poste de journaliste et commence l’étude du français. En 1902, il séjourne aux États-Unis et en France où il travaille pour le compte de l’ambassade du Japon et du muséum culturel de la préfecture de Kanagawa. Cela lui permet de publier Amerika monogatari (« contes américains ») et Furansu monogatari (« contes français »).
Du côté des saules et des fleurs
« Les saules et les fleurs », comprendre les hommes et les femmes, c’est ainsi que l’on nommait les quartiers geishas, à Tôkyô au début du siècle. Roman d’amour et de jalousies compliquées autour de la belle Komayo, au parfum nostalgique, dans l’intimité des maisons de plaisir. Kafû y décrit les intrigues, les jeux érotiques, les manoeuvres d’amour et d’argent entre amants et geishas : autour de la belle Komayo, acteurs, musiciens, parasites ou amoureux veules se croisent et se déchirent. C’est aussi l’évocation du Japon ancien que Kafû dépeint avec la cruauté et la tendresse d’un amoureux de ce monde qu’il voyait disparaître avec amertume.
Interminablement la pluie
« Interminablement la pluie est sans conteste l’un des chefs-d’oeuvre, non seulement de l’oeuvre de Kafû, mais de la littérature japonaise de l’entre-deux-guerre » écrivait Pierre Faure. Par petites touches de confidences esquissées en dissertations sur les plaisirs de la vie, dans un lyrisme contenu, Kafû verse au coeur du lecteur un univers fait de poésie et d’élégance classique, d’érudition et de rêveries inépuisables. Attentif à mille détails, à d’éphémères intimités, au timbre d’une voix, à des jeux de lumière au détour d’un regard ou d’un souvenir, il décrit avec amour et nostalgie ce Japon ancien, ce monde fugitif du plaisir que Pierre Faure, son interprète idéal, nous fait partager.
Voitures de nuit
Chantre du quartier des plaisirs, Nagaï Kafû (1879-1959) est l’un des écrivains japonais les plus anticonventionnels de sa génération. Ayant appris en France, au début du siècle, le goût des libertés, il refusera son concours à l’association des écrivains japonais d’orientation fasciste, émettant le voeu d’être enterré au cimetière des prostituées et ne cessant jusqu’à sa mort (viveur impénitent) de fréquenter les petites danseuses d’Asajusa qu’il a su dépeindre dans ses romans et ses nouvelles bien dignes des estampes d’Hiroshige et Kunisada qu’il admirait tant.
Critique par Youness BousennaPublié le 25/03/2020 dans Télérama
De son style moelleux, Nagaï Kafû nous promène de séductions en amourettes, où sourd sa nostalgie d’un Japon traditionnel en déclin. Il ne faut pas trop se laisser bercer par le style badin de Nagaï Kafû (1879-1959). Le nouvelliste, figure importante des lettres japonaises du début du XXe siècle, ne raconte aucune histoire extraordinaire : seulement le marivaudage entre la bonne société de Tokyo et les geishas de son quartier chaud. Avec son style moelleux et un érotisme contenu, l’air de ne rien dire de plus que la simplicité d’une scène, Kafû nous promène de séductions en amourettes, de petites histoires du quotidien en destins sans relief. Pourtant, la pudeur de sa plume ne doit pas dérober les vérités que ce moraliste nous (dé)voile. Car les six nouvelles de Voitures de nuit, parues autour de 1930, révèlent par petites touches la réalité souterraine des rapports entre hommes et femmes. Kafû met en scène des personnages presque toujours similaires : des geishas libres d’esprit, émancipées des pesanteurs sociales, et des notables bien sous tous rapports. Mais la fréquentation de ces femmes insaisissables fait dérailler la vie si convenable de ces derniers, excitant leurs pulsions jusqu’à parfois transformer en crime leur obsession de posséder – ainsi, dans la nouvelle L’Hortensia, Kimika finit poignardée par un amant jaloux. Kafû se fait aussi le critique discret de son Tokyo natal, qu’il voit changer. La métropole est devenue la capitale d’un Japon qui s’occidentalise à grande vitesse. Le séisme et le gigantesque incendie qui ont ravagé la ville en 1923 forment un motif présent au second plan de chaque nouvelle. Et à travers lequel Kafû signifie, sans la souligner, sa nostalgie d’un Japon traditionnel enseveli par la modernité.
Yasushi Inoué est un romancier japonais, né à Asahikawa , le 06 mai 1907, mort à Tokyo , le 29 janvier 1991.
Biographie
Fils d’un chirurgien militaire souvent muté, il est pendant un temps élevé par la maîtresse de son arrière grand-père, une ancienne geisha qu’il appelle grand-mère, alors qu’elle est étrangère à la famille Inoué. Il racontera plus tard cette enfance dans son roman autobiographique « Shirobamba ». Il est un pratiquant assidu du judo (ceinture noire).
Il écrit des poèmes dès 1929. Après des études en philosophie à Kyoto et une thèse sur Paul Valéry, il se lance dans la littérature en publiant des poèmes et nouvelles dans des magazines, puis dans le journalisme, carrière entrecoupée par le service militaire (1937-1938).
En 1949, il publie « Le fusil de chasse » et se fait connaître grâce à une nouvelle récompensée la même année par le prestigieux Prix Akutagawa : « Combats de taureaux ». Il se met ensuite à publier un grand nombre de romans et de nouvelles dont les thèmes sont souvent historiques et minutieusement documentés, comme « La Tuile de Tenpyō » (1957) « Le loup bleu » – roman sur Gengis Khan (1959) ou « Le Maître de thé » (1981).
En 1964, il est élu à l’Académie des Arts et préside l’Association littéraire japonaise de 1969 à 1972. Il reçoit l’Ordre National du Mérite en 1976. Il est également élu vice-président du PEN Club International en 1984.
Certaines de ses œuvres ont été adaptées au cinéma. « Le Sabre des Takeda » (en 1953) est adapté par Hiroshi Inagaki. « Asunarô » est adapté en 1955 par Akira Kurosawa et filmé par Hiromichi Horikawa. « Le Maître de thé » inspira Kei Kumai pour son film « La Mort d’un maître de thé » en 1989 qui obtint un Lion d’argent au Festival du film de Venise.
Le fusil de chasse
« A bout de forces, trop fatiguée pour bouger le petit doigt je laissai machinalement mon regard s’attacher à ton reflet sur la vitre. Tu avais fini de frotter le canon et tu remontais la culasse, que tu avais également nettoyée. Alors tu levas et abaissas plusieurs fois le fusil en épaulant à chaque fois. Mais peu après le fusil ne bougea plus. Tu l’appuyas fermement contre ton épaule et tu visas, en fermant un oeil. Je me rendis compte que le canon était manifestement dirigé vers mon dos. »
Le Fusil de chasse, ou les multiples facettes d’une impossible passion. Trois lettres, adressées au même homme par trois femmes différentes, forment la texture tragique de ce récit singulier. Au départ, une banale histoire d’adultère. A l’arrivée, l’une des plus belles histoires d’amour de la littérature contemporaine. Avec une formidable économie de moyens, dans une langue subtilement dépouillée, Yasushi Inoué donne la version éternelle du couple maudit.
Le combat de taureaux
Voici cinq nouvelles réunies par Yasushi Inoué lui-même parmi ses préférées. Combat de taureaux, qui reçut à sa parution le Prix Akutagawa, a placé Yasushi Inoué au premier rang de la scène littéraire japonaise. Avec Le Pic Kobandai de facture plus classique, nous remontons dans le temps, à travers le thème du suicide de deux amants.
Dans les trois autres récits, Yasushi Inoué nous parle de sa propre famille et surtout de quelques personnages marginaux qu’il affectionne particulièrement – une cousine qui aimait trop séduire ou la maîtresse de son arrière-grand-père qui, pour ne pas être chassée, avait littéralement pris en otage l’enfant que lui, Inoué, était alors.
Le faussaire
Le Faussaire est conté par un journaliste qui s’engage à écrire la biographie d’un des peintres les plus brillants de son temps. Les recherches qu’il entreprend dévient sans cesse vers un être mystérieux qui a laissé derrière lui de nombreuses imitations du grand maître. Qui est le faussaire ?
Cette question finit par passionner le narrateur bien plus que la vie du célèbre artiste. Le puzzle se recompose peu à peu, et l’on découvre comment un être ordinaire a été broyé par sa rencontre avec un génie. Le second récit propose une réflexion sur l’exil oscillant entre gravité et humour.
Une ancienne légende raconte qu’autrefois les vieilles femmes étaient abandonnées sur le mont Obasuté. C’est à travers le prisme de cette fable que l’auteur analyse sa propre histoire familiale.
Pleine Lune retrace l’ascension et la chute d’un homme d’affaires. L’écrivain, dans une langue simple et dépouillée, nous révèle toute la solitude et la faiblesse d’un personnage assoiffé de pouvoir.
Les chemins du désert
Au début du XIe siècle, un jeune Chinois, Xingte, s’en va vers l’ouest à la recherche d’un peuple en guerre contre la Chine des Song, les Xixia. Enrôlé de force dans l’armée Xixia, Xingte va participer aux batailles qui se déroulent dans des territoires immenses, contre les Chinois, les Ouighours, les Turfans, etc.
Mais cette aventure, de bataille en bataille, dans la violence inouïe de la guerre, dans le décor inhumain des déserts sans fin, est aussi la longue quête de l’homme devant le mystère de la vie.
Poussé par l’amour d’une princesse Ouighoure, Xingte emprunte une route difficile et va rencontrer deux hommes qui seront à la fois ses compagnons et ses ennemis. Mais leurs chemins, un instant réunis, vont se séparer, et chacun s’en ira vers son destin au plus profond des déserts.
Roman d’aventures et voyage initiatique qui n’est pas sans évoquer Le Désert des Tartares de Buzzati, Les chemins du désert est aussi un jeu avec l’Histoire. L’auteur a pris comme point de départ la découverte, au début du XXe siècle des grottes de Dun Huang, à l’ouest de la Chine.
Elles contenaient plus de vingt mille documents bouddhistes datant d’avant le XIe siècle. Personne n’a jamais expliqué le mystère de leur origine, et c’est cette histoire inconnue que nous raconte Yasushi Inoué dans Les chemins du désert.
La favorite
L’histoire des tragiques amours de l’empereur Siuan-tsong et de Yang Kouei-fei est aussi célèbre en Chine que celle de Tristan et Yseult en Occident. Cet empereur de la dynastie T’ang a réellement existé : il régna sur la Chine de 712 à 756, accompagné seize ans durant par la » Précieuse épouse » Yang Kouei-fei.
Dans ce livre, qui se lit comme un roman d’aventures, c’est la Chine médiévale qui s’anime avec le talent d’Inoue, sur la toile de fond de la vie luxueuse et insouciante du palais et des intrigues autour de ministres sanguinaires, de généraux ambitieux, d’eunuques intrigants ou de concubines habiles.
En arrière-plan des enjeux du pouvoir, les incursions barbares aux frontières cernent la Cour d’un danger toujours pressant qui se rapproche inexorablement jusqu’au dramatique dénouement.
Roman historique donc, où l’on reconnaît, comme dans les autres œuvres d’Inoue, un constant souci d’exactitude et de vérité qui nous fait entrer de plain-pied dans un huitième siècle chinois d’une étonnante actualité.
Yasunari Kawabata , né le 11 juin 1899 à Osaka et mort le 16 avril 1972 à Zushi, est un écrivain japonais, prix Nobel de littérature en 1968 pour son roman “Pays de neige”.
Considéré comme un écrivain majeur du XXe siècle et obsédé par la quête du beau, la solitude et la mort, il a écrit en particulier des récits très courts, d’un dépouillement stylistique extrême, regroupés plus tard en recueils, mais ses œuvres les plus connues internationalement sont ses romans comme Pays de neige (1935-1947), Le Grondement de la montagne (1954), Les Belles Endormies (1960-1961) ou Kyôto (1962).
L’écrivain japonais Yasunari Kawabata (1899 – 1972), ici en 1968. Crédits : Bernard Krisher/Pix/Michael Ochs Archives – Getty
Biographie
Yasunari Kawabata est un écrivain japonais considéré comme un écrivain majeur du XXe siècle.
Second enfant d’une famille de notable, Yasunari Kawabata a une sœur aînée. Son père exerce le métier de médecin. C’est un homme cultivé, se passionnant pour la poésie et la peinture. Mais, atteint de tuberculose, il décède un an après la naissance de Yasunari ; tout comme la mère de celui-ci quelques temps plus tard, des suites de la même maladie. Yasunari est alors confié à ses grands- parents paternels. Son grand-père réalise des investissements hasardeux qui le conduisent à la ruine.
Malgré tous ces évènements, les jeunes années de Yasunari se passent tranquillement. Cependant, l’angoisse et les frayeurs qu’il relate dans ses récits commencent à le hanter.
En 1915, alors qu’il a perdu ses grands-parents, ainsi que sa sœur, il est envoyé dans la pension du lycée de Ibaragi. En 1916, il y fait la connaissance de Kiyono, un camarade de chambrée, avec lequel il se lie intimement (« mon amour homosexuel »). Parti vivre à Tokyo en 1917, Yasunari entretient avec son amant une importante correspondance, qui dure jusqu’en 1921. Il racontera cette histoire dans L’adolescent (1948).
En 1919, il évolue au sein d’un cercle littéraire, qui tient débat dans un café à la mode. Il y rencontre Hatsuyo (Michiko dans ses récits), une jeune serveuse de quatorze ans, qu’il finit par épouser. Mais, celle-ci décide de rompre un mois après leur mariage.
Hatsuyo devient sa muse, son idéal de femme qui hante son écriture. Ce n’est que douze ans plus tard, en la revoyant que le charme semble se rompre définitivement. Déçu, l’artiste doute et se remet en question.
En 1924, il fonde avec des amis le journal littéraire « Bungei Jidai » (l’âge artistique), point de départ de l’école des « néo-perceptionistes », qui s’oppose au naturalisme populaire et au mouvement littéraire prolétarien.
En 1948, il devient Président du Pen Club japonais (association d’écrivains internationale) et en 1954 il est élu membre de l’Académie Japonaise des Arts.
En 1968, il reçoit le prix Nobel de littérature, devenant ainsi le premier écrivain nippon à obtenir cette distinction. Obsédé par la quête du beau, la solitude et la mort, il a écrit en particulier des récits très courts, d’un dépouillement stylistique extrême.
À la suite du suicide de plusieurs de ses amis (notamment Mishima), il se prononce contre le suicide. Pourtant, Yasunari Kawabata finit par se suicider. Il ne laisse ni explication ni testament.
Pays de neige
À trois reprises, Shimamura se retire dans une petite station thermale, au cœur des montagnes, pour y vivre un amour fou en même temps qu’une purification. Chaque image a un sens, l’empire des signes se révèle à la fois net et suggéré. Le spectacle des bois d’érable à l’approche de l’automne désigne à l’homme sa propre fragilité. « Le rideau des montagnes, à l’arrière-plan, déployait déjà les riches teintes de l’automne sous le soleil couchant, ses rousseurs et ses rouilles, devant lesquelles, pour Shimamura, cette unique touche d’un vert timide, paradoxalement, prenait la teinte même de la mort. »
Les belles endormies
Dans quel monde entrait le vieil Eguchi lorsqu’il franchit le seuil des Belles Endormies ? Ce roman, publié en 1961, décrit la quête des vieillards en mal de plaisirs. Dans une mystérieuse demeure, ils viennent passer une nuit aux côtés d’adolescentes endormies sous l’effet de puissants narcotiques. Pour Eguchi, ces nuits passées dans la chambre des voluptés lui permettront de se ressouvenir des femmes de sa jeunesse, et de se plonger dans de longues méditations. Pour atteindre, qui sait ? au seuil de la mort, à la douceur de l’enfance et au pardon de ses fautes.
Le grondement de la montagne
Dans l’air inerte d’une nuit d’été, un vieil homme entend – ou croit entendre – le grondement de la montagne. Ce rugissement venu du cœur de la Terre, lui seul semble le percevoir comme la révélation de sa fin prochaine. Notable en apparence calme et rangé, le vieil homme cache une personnalité hypersensible, inquiète, troublée par une vie intérieure agitée. Seules les splendeurs fugitives de la nature, les arabesques émouvantes des oiseaux et la silhouette blanche et délicate de sa jeune belle-fille parviennent à le distraire de son obsession et de son angoisse. Avec Le Grondement de la montagne, l’écrivain confronte son personnage, hanté par la vieillesse, la mort, le rêve impossible d’un érotisme lumineux, aux grands moments de sa vie, à ses déceptions, à ses échecs, à l’écoulement des saisons ou à la beauté éphémère d’un cerisier en fleur par un matin d’hiver.
La danseuse d’Izu
Yasunari Kawabata ne révéla peut-être jamais aussi bien que dans les cinq nouvelles de La Danseuse d’Izu la poésie, l’élégance, le raffinement exquis et la cruauté du Japon. Est-ce là ce « délicat remue-ménage de l’âme » dont parlait le romancier et critique Jean Freustié ? Chacun de ces récits semble porter en lui une ombre douloureuse qui est comme la face cachée de la destinée. Un vieillard s’enlise dans la compagnie d’oiseaux, un invalide contemple le monde dans un miroir, et ce miroir lui renvoie d’abord son propre visage dans une sorte de tête à tête avec la mort… Rechercher le bonheur est aussi vain et aussi désespéré qu’apprivoiser une jeune danseuse, un couple de roitelets ou le reflet de la lune dans l’eau. Voici cinq textes limpides et mélancoliques, aussi pudiques sans doute dans l’expression que troublants dans les thèmes.
Tristesse et beauté
Chez Kawabata, les beautés élégiaques, qui se laissent dépouiller, abandonner, prostituer, éviscérer par amour, préparent en silence l’avènement des beautés pernicieuses, ces petits démons qui exécuteront autour du mâle la danse de la mort. Dans Tristesse et beauté, la mort esquisse ses premiers pas pendant que sonnent les cloches de fin d’année dans les monastères de Kyôto. Oki, le romancier vieillissant, cherche à revoir un ancien amour. Elle avait seize ans, lui plus de trente. Au lendemain de la rupture, elle avait trouvé refuge chez les fous, lui dans l’écriture d’un roman qui devait lui apporter argent et gloire. En sortant de chez les fous, elle choisit de ne plus se donner qu’à l’art et devint peintre renommé. Un quart de siècle plus tard, il tente de renouer avec le passé. Mais le destin a placé aux côtés de la femme peintre une élève de dix-sept ans, diaboliquement belle et diaboliquement dévouée à son professeur.
Kyôto
L’entente entre la nature et l’homme trouve sans doute son accomplissement dans Kyôto. Deux jumelles ont été séparées à leur naissance. Elevées dans des milieux différents, l’une à la ville, l’autre dans la montagne, vont-elles pouvoir se rejoindre, adultes, et se comprendre ? Au-delà de cette histoire limpide et bouleversante, c’est l’affrontement du Japon traditionnel et du Japon qui s’américanise chaque jour davantage, qui est ici mis en scène. Ecrit en 1962, Kyôto est sans doute l’œuvre qui exprime le plus profondément le déchirement métaphysique et psychologique de l’écrivain japonais.
Le maître du tournoi de go
La plupart des professionnels du Go aiment aussi d’autres jeux, mais la passion du Maître présentait un caractère particulier : l’incapacité de jouer tranquillement, en laissant les choses suivre leur cours. Sa patience, son endurance s’avéraient infinies. Il jouait jour et nuit, pris par une obsession qui devenait troublante. Il s’agissait peut-être moins de dissiper des idées noires ou de charmer son ennui que d’une sorte d’abandon total au démon du jeu.
Chronique d’Asakusa
Leurs yeux se cherchèrent et au moment où leurs regards allaient se fondre, les bras de l’homme l’attirèrent vers lui et il posa son visage sur la jeune femme. Imbécile ! dit Yumiko en repoussant la bouche de l’homme de la paume de sa main droite. Les dents n’étaient-elles pas teintées par le poison des pilules que Yumiko lui avait enfoncées dans la bouche ? Elles avaient fondu en libérant le liquide. Décidément, tu n’es qu’un imbécile ! Akagi blêmit soudain et s’effondra. Chronique d’Asakusa, ou la banale histoire de Yumiko, une jeune femme qui voulait croire aux merveilles de l’amour dans le Tokyo des années 30.
Les servantes d’auberge
Ici, la vie quotidienne de jeunes prostituées, pensionnaires d’une maison close dans une petite ville d’eaux ; là, les errances intérieures d’une femme frigide ; mais aussi, les vicissitudes sentimentales d’un homme obsédé par l’image d’une morte. Trois récits, trois nouvelles qui se développent sur trois registres littéraires différents et qui témoignent des grandes orientations de l’oeuvre de Kawabata. La subtile peinture des sentiments et des sensations dans Illusions de cristal. La poésie et la palette colorée des saisons dans Les Servantes d’auberge. Les tours inquiétants d’une passion étrange dans Le Pourvoyeur de cadavres.
Nuée d’oiseaux blancs
Ce qui distingue Kawabata, ce sensualiste, c’est d’arriver à envelopper ses personnages d’une sorte de buée légère et tendre tout en gardant au récit une ligne très lisse, très nette, il fait naître d’étranges rapports entre ses amants… Ses romans sont dominés par le blanc et nous sommes gagnés par cet éblouissement, par cette lumière incomparable, à ce point que nous avons tendance à oublier un fait majeur : le blanc, s’il est au Japon, comme en Occident, le symbole de la pureté. Il est aussi la couleur funéraire, et pour bien comprendre Kawabata, il faut sans cesse penser que la vie, et la vie la plus physiquement amoureuse, la plus sensuelle, comporte toujours cet arrière-plan métaphysique le destin mortel de l’homme, jamais nommé et cependant apparent.
Cette chanson yiddish-ukrainienne « Proshchai Odessa » a été chantée par Pesakh Burstein. Elle est ici combinée avec un Ukrayinish Kek-Vok recueilli par Yale Strom. Vocal : Olga Avigail Mieleszczuk, violin : Daniel Hoffman, clarinet : Ittai Binnun, accordion : Ofer Malchin, contrabass : Yehonatan Levi
Oh Odessa, au revoir Odessa, Tu vas tellement me manquer, Je ne t’oublierai jamais, Adieu mes amis, Crions ensemble : Maman Odessa, je t’aime tellement !
Histoire d’Odessa
Bribes d’histoire avant le XIXe siècle
Dans l’Antiquité, la région d’Odessa était peuplée par les Scythes et les Daces, et colonisée par les Grecs comme toute cette partie des côtes de la mer Noire. Après la grande invasion mongole de 1241, la région devient un territoire des Tatars. Les Ottomans inclurent la région et les Tatars islamisés dans leur Empire vers le XVIe siècle. Durant la guerre russo-ottomane, de 1787 à 1791, les Cosaques conquirent les positions tatares, une centaine de maisons en pierre furent construites. Dans les années suivantes, des pêcheurs et marchands pontiques s’y installèrent et Catherine II de Russie choisit le nom d’Odessa en souvenir de la colonie grecque d’Odessos.
XIXe siècle
Fondée en 1795, Odessa eut son heure de gloire dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le duc Armand-Emmanuel du Plessis de Richelieu est considéré comme l’un des pères fondateurs de la ville. Ayant fui la Révolution française, il servit dans l’armée russe contre les Ottomans. Il exerça d’abord la fonction de maire d’Odessa, de 1803 à 1805, puis celle de gouverneur d’Odessa et de Nouvelle-Russie de 1805 à 1814. On lui attribue le tracé de la ville et l’organisation de ses aménagements et de ses infrastructures. Il fut assisté de son aide de camp, son beau-frère, Louis-Victor-Léon de Rochechouart. Il organisa une quarantaine courageuse pendant une épidémie de choléra qui contribua à sa renommée. Il fut ensuite le Premier ministre de Louis XVIII à son retour en France. Le duc fit agrandir le port par lequel s’effectuait l’exportation de blé vers Marseille. C’est à son initiative, mais après son départ, que fut fondé le lycée Richelieu, établissement d’élite de la Russie impériale, en 1817.
Au cours de la guerre de Crimée, de 1853 à 1856, Odessa fut bombardée par les marines britannique, ottomane et française. L’augmentation du commerce entraîna la croissance d’Odessa, qui devint le port d’exportation de céréales le plus important de l’Empire russe. En 1866, la ville fut reliée par rail à Kiev et Kharkov ainsi qu’à Chișinău et Iași en Moldavie. La famille de Léon Tolstoï possédait un hôtel particulier en ville qui peut encore être visité. La plupart des maisons urbaines du XIXe siècle sont construites en pierre calcaire extraite des carrières des environs. Au cours du XIXe siècle, une grande migration venant de Pologne en a fait la ville la plus juive des grandes villes de l’Empire russe.
Les révolutions russes de 1905 et de 1917
En 1905, Odessa est le théâtre d’événements révolutionnaires et d’un soulèvement d’ouvriers soutenus par l’équipage du cuirassé Potemkine pendant la révolution de 1905. Cette mutinerie inspire en 1925 le film de Sergueï Eisenstein, Le Cuirassé Potemkine.
Dans la foulée de la révolution de Février en 1917, se constitue le 15 mars 1917 une Rada (un conseil) autonome, présidée par l’historien Mykhaïlo Hrouchevsky. Ce conseil manifeste son opposition au coup d’État bolchévik en octobre comme les autres conseils d’Ukraine. Le 19 novembre la République populaire ukrainienne est proclamée. Les bolcheviks refusent de reconnaître cette république et fondent une série de républiques : la République populaire ukrainienne des soviets (dans l’est), la république soviétique de Donetsk-Krivoï-Rog, la république socialiste soviétique de Crimée et, à Odessa, la république soviétique d’Odessa. Mais, ne parvenant pas à maintenir son contrôle au-delà des environs immédiats de la ville, la république soviétique d’Odessa est contrainte de composer avec le pouvoir central ukrainien. Le traité de Brest-Litovsk, signé entre les Empires centraux et la Russie bolchévique livre à l’Empire allemand les pays baltes, la Biélorussie et la République populaire ukrainienne que Lénine ne parvenait pas à contrôler. En 1919, la ville est occupée par les forces navales françaises de l’amiral Amet venues y soutenir les armées blanches, mais les marins communistes se mutinent et l’intervention est un échec. La guerre civile y reprend de plus belle entre, chacun pour soi, les Ukrainiens nationalistes, les Russes « blancs » tsaristes, les Ukrainiens anarchistes, et « l’Armée rouge » bolchévique qui, en 1920, prend définitivement le contrôle d’Odessa, désormais intégrée à la république socialiste soviétique d’Ukraine, membre en 1922 de l’URSS.
1941-1944 : les massacres d’Odessa
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, de 1941 à 1944, Odessa fut occupée par les forces armées roumaines alors alliées de l’Allemagne nazie et souffrit d’importants dommages. Avant-guerre, la plus importante communauté juive d’Union soviétique, soit 133 000 personnes d’après le recensement de 1926, y vivait. Après l’attaque des forces de l’Axe contre l’URSS le 22 juin 1941, environ 45 % de cette communauté put s’enfuir vers l’intérieur de l’Union soviétique, mais quatre mois plus tard, plus de 75 000 Juifs se trouvaient encore en ville lorsqu’elle fut occupée. Le 22 octobre 1941. Six jours après l’entrée des troupes roumaines dans la ville, un attentat tua le général Ioan Glogojeanu, commandant d’Odessa, ainsi qu’une grande partie de son état-major, faisant une quarantaine de morts. Le soir même, le gouvernement roumain accusa l’ensemble des Juifs odessites d’en être les instigateurs et ordonna des « représailles implacables ». Vingt minutes plus tard, le nouveau commandant d’Odessa, le général Trestioreanu, annonça qu’il allait pendre les Juifs et les communistes sur les places publiques. Pendant la nuit, cinq mille personnes furent exécutées. Le 23 octobre, dix-neuf mille Juifs furent exécutés et leurs cadavres arrosés d’essence et brûlés.
Le maréchal Antonescu, dictateur et Premier ministre roumain de 1941-1944, donna l’ordre de tuer deux cents communistes pour chaque officier victime de la bombe et cent pour chaque soldat. Le 24 octobre au soir, les Juifs emprisonnés furent transportés en dehors de la ville et fusillés devant des fossés anti-chars par groupe de quarante ou cinquante. L’opération se révélant trop lente, les cinq mille Juifs restants furent enfermés dans trois entrepôts et mitraillés. Puis les entrepôts furent incendiés le 25 octobre, jour de l’enterrement des militaires victimes de l’attentat du 22 octobre. La plupart des hommes juifs d’Odessa furent ainsi massacrés. Le 1er novembre, la ville ne comptait plus que 33 885 Juifs, essentiellement des femmes et des enfants qui vivaient terrorisés dans le ghetto de Moldavanka. Le 10 avril 1942, il ne restait plus à Odessa que 703 Juifs. Odessa fut finalement libérée par l’Armée rouge en avril 1944 lors de l’offensive Dniepr-Carpates. Ce fut l’une des quatre premières villes à recevoir le titre de ville héros en 1945.
Odessa depuis 1945
Après la guerre, la ville en partie ruinée et dépeuplée, souffre à nouveau d’une famine, celle de 1946-1947, et la terreur rouge stalinienne n’y cesse qu’à partir de 1956, après la déstalinisation. La situation une fois normalisée, la ville se développa énormément pendant les années 1960 et 1970. Au cours des années 1970 puis 1990, la majorité des Juifs odessites, revenus des autres régions d’URSS où ils avaient pu échapper à la Shoah, émigrèrent vers Israël, vers les États-Unis et vers l’Europe de l’Ouest. L’émigration vers Moscou et Léningrad fut aussi très importante, formant de vraies communautés. Regroupés à New York, d’autres Juifs odessites ont valu à leur quartier américain le surnom de « Little Odessa ». Après leur départ, la population recensée de la ville se déclara aux deux- tiers ukrainienne, et russe pour un tiers.
Incendie criminel à Odessa en 2014
En mai 2014, la ville est en proie à de graves troubles entre Ukrainiens partisans du gouvernement central de Kiev, et russophones partisans de la « Nouvelle-Russie ». À la suite de la mort d’un militant pro-Kiev abattu dans le centre-ville lors de graves altercations entre supporteurs d’équipes de football, les partisans russophones, pourchassés par les partisans du gouvernement central de Kiev, se retranchent à l’intérieur de la maison des Syndicats, où un incendie se déclare par suite des jets de cocktails Molotov. Une quarantaine de personnes sont mortes asphyxiées ou brûlées vives le soir du 2 mai 2014.
Pouchkine
De 1823 à 1824, le poète russe Alexandre Pouchkine y fut envoyé en exil. Dans ses lettres, il écrivit qu’Odessa était une ville où « On peut sentir l’Europe. L’on y parle le français et il y a des journaux et des magazines européens à lire. »
Ivan Aïvazovski (1817-1900), Alexandre Pouchkine sur les bords de la Mer Noire (1868) Crédits : Musée Pouchkine, Moscou / Fine Art Images / Heritages Images – Getty
Poèmes de Pouchkine
Lorsque j’erre, songeur, au-delà du faubourg (1836)
Lorsque j’erre, songeur, au-delà du faubourg,
Au cimetière urbain je passe faire un tour :
Les grilles des enclos, colonnettes et dalles
Qui abritent les morts de notre capitale
Pourrissant l’un sur l’autre au milieu des marais,
Hôtes gloutons et froids d’un trop maigre banquet ;
Mausolées commerçants, monuments fonctionnaires,
Fantaisies à trois sous d’un sculpteur de misère,
Avec leurs inscriptions en prose ou mal rimées
Sur le rang et le cœur d’un mari bien-aimé ;
Larmes enamourées sur la mort d’un jocrisse,
Urnes de plâtre gris que le malfrat dévisse,
Et ces tombeaux glissants qui attendent encor,
Bâillant jusqu’au matin, qu’on leur offre leur corps, –
Et tout cela me navre et tout cela m’oppresse
Et me remplit le cœur d’une affreuse tristesse –
Au diable ! fuir et fuir ! …
Alexandre Pouchkine, dans le recueil Le Soleil d’Alexandre, paru aux éditions Actes Sud, Traduction d’André Markowicz.
L’OPRITCHNIK
(Titre des compagnons, des « mameloucks » d’Ivan le Terrible.)
Quelle nuit ! Une gelée craquante : pas un nuage ! La voûte bleue du ciel, comme une couverture brodée, est pailletée d’étoiles. Partout le silence dans les maisons ; des verrous avec de lourds cadenas barrant les portes, le peuple repose. Les tumultes du trafic se sont calmés et les chiens de garde, dans les cours, aboient en faisant sonner leur chaîne retentissante.
Moscou, d’un bout à l’autre, dort avec tranquillité, oublieux des angoisses de la terreur ; et la place publique est là, qui, dans le vague des ténèbres, regorge des supplices d’hier. Partout on voit les restes des tourments : ici, un cadavre fendu en deux d’un seul coup ; là, un poteau, là des fourches, là des chaudrons à moitié pleins de poix figée ; ailleurs, un billot renversé, plus loin des crocs de fer se dressent, des tas de cendres fument encore, mêlées d’ossements ; des hommes, que traversent des pals, noircissent tout rigides et ratatinés.
Qui est là ? À qui ce cheval traversant d’un galop furieux la place terrible ? Qui siffle, qui parle haut dans la nuit sombre ? Quel est cet homme ? Un vaillant opritchnik. Il se hâte, il se précipite à un rendez-vous d’amour. Le désir fait bouillonner ses veines ; il dit : « Mon brave, mon fidèle cheval, vole comme une flèche, vite, plus vite encore ! » Mais l’ardent animal, en faisant bondir sa crinière tressée, tout à coup s’arrête : devant lui, entre deux poteaux, sur une traverse de chêne, se balance un cadavre. Le cavalier veut passer dessous … Mais le cheval se cabre sous le fouet, s’ébroue, renâcle et se rejette en arrière. « Où vas-tu, mon vaillant cheval ? que crains-tu ? qu’as-tu donc ? N’ai-je pas hier ici galopé avec toi, n’avons-nous pas foulé aux pieds, pleins tous les deux d’un zèle vengeur, les méchants traîtres au Czar ? N’est-ce pas leur sang qui a lavé tes sabots de fer ? Tu ne les reconnais donc plus à présent ? Mon bon cheval, mon brave cheval, allons ! pars ! en avant ! » — Et le cheval, frémissant, passe comme un tourbillon sous les pieds du cadavre.
Texte établi par la Bibliothèque russe et slave Traduction d’Ivan Tourgueniev et Gustave Flaubert, parue dans La République des Lettres, 1876
« Rei éprouva comme une brûlure d’estomac, une chaleur acide, à la fois intense et diffuse, qui vous monte à la gorge. Un énorme bloc d’émotions glacées se mettait à fondre peu à peu sous l’effet de cette chaleur intérieure dormante. Le temps se défossilisait, recommençait à trembler. »
Tokyo, 1938. Quatre musiciens amateurs passionnés de musique classique occidentale se réunissent régulièrement au Centre culturel pour répéter. Autour du Japonais Yu, professeur d’anglais, trois étudiants chinois, Yanfen, Cheng et Kang, restés au Japon, malgré la guerre dans laquelle la politique expansionniste de l’Empire est en train de plonger l’Asie. Un jour, la répétition est brutalement interrompue par l’irruption de soldats. Le violon de Yu est brisé par un militaire, le quatuor sino-japonais est embarqué, soupçonné de comploter contre le pays. Dissimulé dans une armoire, Rei, le fils de Yu, onze ans, a assisté à la scène. Il ne reverra jamais plus son père… L’enfant échappe à la violence des militaires grâce au lieutenant Kurokami qui, loin de le dénoncer lorsqu’il le découvre dans sa cachette, lui confie le violon détruit. Cet événement constitue pour Rei la blessure première qui marquera toute sa vie… Dans ce roman au charme délicat, Akira Mizubayashi explore la question du souvenir, du déracinement et du deuil impossible. On y retrouve les thèmes chers à l’auteur d’Une langue venue d’ailleurs : la littérature et la musique, deux formes de l’art qui, s’approfondissant au fil du temps jusqu’à devenir la matière même de la vie, défient la mort.
Schubert String Quartet No. 13 Rosamunde I. Allegro ma non troppo
Tesla Quartet : Ross Snyder & Michelle Lie, violons ; Edwin Kaplan, alto ; Serafim Smigelskiy, violoncelle
Schubert : Quatuor n° 13 en la mineur D. 804 » Rosamunde » III. Minuetto, Allegretto,
Quatuor Ardeo : Carole Petitdemange, Mi-sa Yang (violons), Yuko Hara (alto) & Joëlle Martinez (violoncelle) interprètent le 3e mouvement (Minuetto, Allegretto, Trio) du Quatuor n° 13 en la mineur D. 804 » Rosamunde » de Franz Schubert. Extrait de l’émission Soirée spéciale France Musique sur son 21 enregistrée le 13 janvier 2021 au Studio 104 de la Maison de la Radio.
Johann Sebastian Bach : Gavotte en Rondeau from the Partita for solo violin No. 3 in E major, BWV 1006
Gil Shaham, violin Encore recorded at a concert of the Berliner Philharmoniker, 10
Aucun express ne m’emmènera
Vers la félicité
Aucun tacot n’y accostera
Aucun Concorde n’aura ton envergure
Aucun navire n’y va
Sinon toi
Aucun trolley ne me tiendra
Si haut perché
Aucun vapeur ne me fera fondre
Des escalators au chariot ailé
J’ai tout essayé
J’ai tout essayé
J’ai longé ton corps
Épousé ses méandres
Je me suis emporté
Transporté
Par-delà les abysses
Par-dessus les vergers
Délaissant les grands axes
J’ai pris la contre-allée
Je me suis emporté
Transporté
Aucun landeau ne me laissera
Bouche bée
Aucun Walhalla ne vaut le détour
Aucun astronef ne s’y attarde
Aucun navire n’y va
Sinon toi
J’ai longé ton corps
Épousé ses méandres
Je me suis emporté
Transporté
Par-delà les abysses
Par-dessus les vergers
Délaissant les grands axes
J’ai pris la contre-allée
Je me suis emporté
Transporté
Aucun express ne m’emmènera vers
La félicité
Aucun tacot n’y accostera
Aucun Concorde n’aura ton envergure
Aucun navire n’y va
Aucun
J’ai longé ton corps
Épousé ses méandres
Je me suis emporté
Transporté
Par-delà les abysses
Par-dessus les vergers
Délaissant les grands axes
J’ai pris la contre-allée
Je me suis emporté
Transporté
Les parents de Georges, François Constant Chabosseau et Marie-Louise Bichon se marient à Saint Jean de Thouars, le 25 janvier 1897, François a 24 ans, Marie Louise 18 ans. Le 5 décembre 1897 naît Emilienne Octavie, le premier enfant du couple.
1901, Recensement, Hameau de Boucoeur, commune de Saint Varent, Deux-Sèvres
En 1901, François Constant, Marie-Louise et Emilienne habitent le hameau de Boucoeur sur la commune de Saint Varent. Ils ont rejoint Louis Auguste Chabosseau, le frère de François Constant, qui s’est marié avec Anastasie Gaury, déjà mère d’une petite Célestine Clémence Louise Bernard, fille qu’Anastasie a eu d’un premier mariage.
Son père, François Constant est porté sur la boisson et quand il a un coup dans le nez… En 1905 alors qu’il effectue une période d’exercices en tant que soldat de réserve, il écope de 6 jours d’emprisonnement pour coups et blessures.
Aux recensements de 1906 et 1911, la famille Chabosseau : François Constant, Marie-Louise et les deux enfants Emilienne et Georges, est revenue vivre à Saint Jean de Thouars. Ils habitent : Chemin d’intérêt commun n°35 de Thouars à Saint Varent.
1906 et 1911, recensements Saint Jean de Thouars
En 1906, François Constant travaille comme carrier à la carrière Benoist. En 1911, il travaille comme ouvrier agricole chez Delphin Thiaurs.
Georges va à l’école jusqu’à 9 ans. On le voit, ci-dessous, en blouse d’école avec son père, sa mère et sa sœur Emilienne, sur la seule photo réunissant les quatres membres de la famille qui nous soit parvenue.
A 9 ans, Georges est placé comme garçon de ferme. Il dort au grenier, dans le foin, au-dessus des bêtes. Les rats lui tiennent parfois compagnie. Le 20 avril 1912, son père François Constant meurt, seul, à l’hospice, dans des circonstances exactes que nous ne connaissons pas, mais vraisemblablement à cause d’un abus d’alcool.
En 1914, Georges a 12 ans et fait sa communion solennelle.
A 14 ans, Georges est pris en charge par son oncle Louis Auguste Chabosseau. Georges travaille avec lui. Ils vont ramasser œufs, volailles, cochons dans les fermes puis les transportent et les vendent à Thouars. Le camion qu’ils utilisent a été construit par le constructeur automobile Marius Berliet à Lyon en 1912 – 1913. A partir de 1914, la production de ce camion sera exclusivement réservée à l’armée pour le transport des troupes et du matériel d’intendance.
Le 1er décembre 1917, Marie-Louise Bichon, la mère de Georges se remarie avec Désiré Victor Pichot. Marie-Louise s’installe avec ses deux enfants, Emilienne et Georges chez Désiré Pichot à Louzy. Georges ne s’entend pas avec son beau-père. Il passe le moins de temps possible à Louzy.
Le 8 février 1919 naît Georgette Pichot, la demi-sœur de Georges et d’Emilienne.
Le 27 octobre 1919, Emilienne, la sœur de Georges, meurt âgée de 22 ans de la maladie bleue (la tuberculose). Pour Georges qui va bientôt avoir 18 ans c’est une terrible épreuve. Il perd sa sœur qu’il aime alors qu’il vit chez son beau-père avec qui il ne s’entend pas.
Il ira bien souvent sur sa tombe à l’ombre des cyprès dans le vieux cimetière de Louzy, aujourd’hui détruit.
Pierre Chabosseau est âgé de 35 ans lorsqu’il perd, en 1861, sa mère Marie Frouin le 29 octobre et son père Pierre Chabosseau le 15 novembre. L’acte de décès de Marie Frouin précise qu’elle vit de mendicité. La famille est très pauvre. La vie aux Bauxchênes, hameau de la commune du Voide est précaire. Sept mois plus tard, Pierre se marie avec Louise Landais, de huit ans sa cadette. Aux Bauxchênes, ils vont avoir trois enfants : Pierre Jean Joseph en 1863, Louis Auguste en 1870 et François Constant, mon arrière-grand-père, le 25 octobre 1872. Pierre est journalier, la soupe n’est pas bien grasse et le pain vient à manquer.
Pierre a appris qu’il y avait du travail dans les carrières du côté de Thouars dans le département voisin des Deux-Sèvres. En 1880, toute la famille quitte Le Voide, parcourt à pied les 40 kilomètres du Voide à Saint Jean de Bonneval (aujourd’hui Saint Jean de Thouars), village voisin de Thouars, ou la famille s’établit. Le chemin de fer arrivant à Thouars, les carrières de la Gouraudière, Ligron et Saint Jean ont un énorme besoin de main d’œuvre.
Carrières de Saint Jean de Thouars, Bulletin Municipal, 1976
Les recensements de Saint Jean de Thouars de 1886 et de 1891 indiquent que Pierre Chabosseau vit avec sa femme Louise Landais et leurs 2 fils les plus jeunes, Louis Auguste et François Constant dans le bourg.
1886, recensement Saint Jean de Thouars
1891, recensement Saint Jean de Thouars
Au recensement de Saint Jean de Thouars en 1896, les 2 fils les plus jeunes, Louis Auguste et François Constant n’habitent plus avec leurs parents et n’habitent plus à Saint Jean.
1896, recensement Saint Jean de Thouars
Le 7 juillet 1897 à une heure du matin Pierre Chabosseau décède dans une rue de Thouars. C’est le commissaire de police qui déclare son décès. Il est probable que Pierre avait trop abusé de boissons.
Pierre Jean Joseph Chabosseau
Dès 1881, Pierre Jean Joseph, le fils ainé, a quitté ses parents et ses frères pour être placé comme domestique chez Charles Cottenceau à la ferme de Beaugé sur la commune de Rigné. Commune voisine de celle de Saint Jean de Thouars. Il a 19 ans. Dans cette ferme est aussi placée Louise (Marie Louise) Prioleau comme bergère. Elle a 16 ans.
1881, recensement Rigné
1886, recensement Rigné
Le 28 juin 1886, Pierre Jean Joseph Chabosseau et Louise (Marie Louise) Prioleau se marient. Deux enfants vont naître de cette union : Marie Louise dite « Emilienne » en 1888 et Alcide Maurice en 1897. Le couple rejoint bientôt la famille Prioleau au hameau de la Burotterie à Rigné. Ils vont y devenir agriculteurs et y feront leur vie
1891, 1896, 1901, 1906, Rigné Hameau de la Burotterie
1936, Rigné Hameau de la Burotterie
En 1936, Pierre Jean Joseph et Louise habitent toujours le Hameau de la Burotterie, leurs enfants ont quitté le domicile familial.
Louis Auguste Chabosseau
Nous retrouvons Louis Auguste, habitant le hameau de Boucoeur commune de Saint Varent, au recensement de 1896.
1896, recensement hameau de Boucoeur commune de Saint Varent
Il s’est marié avec Anastasie Gaury. Ils se sont installés à Boucoeur avec Célestine Clémence Louise Bernard fille qu’Anastasie a eu d’un premier mariage.
Louis Auguste travaille à la tâche pour la laiterie de Riblaire.
En 1901, son frère François Constant et sa petite famille sont venus s’installer à Boucoeur.
1901, recensement hameau de Boucoeur commune de Saint Varent
En 1906 son frère et sa petite famille ont quittés Boucoeur mais c’est sa mère Louise Landais qui est venue vivre avec eux.
1906, recensement hameau de Boucoeur commune de Saint Varent
Le 25 février 1909 nait le fils unique de Louis Auguste et d’Anastasie : Armand Louis Chabosseau.
Louis Auguste est réincorporé dans l’armée le 12 décembre 1914. Il a 45 ans. Il arrive au 67ème Régiment Territorial d’Infanterie à Parthenay le 30 mars 1915. Il va ensuite intégrer successivement, le 25ème Régiment Territorial d’Infanterie le 1er décembre 1915, le 10ème Régiment du Génie le 11 décembre 1915 puis le 2ème Régiment du Génie le 3 janvier 1917. Le 17 juillet 1917, il est détaché aux travaux agricoles mais le 10 novembre 1917 il est de nouveau incorporé au 7ème Régiment de Hussards. Il est enfin libéré des obligations militaires, le 10 décembre 1918. Il va avoir 49 ans.
En 1936, Louis Auguste et Anastasie (Rose) vivent toujours à Boucoeur avec leur fils Armand Louis (Amédée), sa femme Georgette et leurs deux enfants Mercédes et Frantz.
1936, recensement hameau de Boucoeur commune de Saint Varent
François Constant Chabosseau
A Saint Jean la famille Chabosseau a pour voisins la famille Bichon. Aux recensements de 1886, 1891 et 1896 les familles Chabosseau et Bichon habitent côte à côte à Saint Jean de Thouars.
Jean Louis Bichon et Marie Philomène Guéret, son épouse, se sont mariés le 29 novembre 1877 à Saint-Clémentin et sont arrivés à Saint Jean de Thouars entre 1881 et 1886. De cette union sont nés 7 enfants : Marie Louise née en1878, Eugène Joseph Désiré en 1880, Eugénie Octavie en1883, Joséphine Louise Anne en 1884, Louis Léon Edouard en1886, Eugène Joseph Désiré en1890 et Honoré en1895.
François Constant Chabosseau et Marie Louise Bichon se marient à Saint Jean le 25 janvier 1897, François a 24 ans, Marie Louise 18 ans. Les témoins sont : Louis Auguste le frère de François, il a 26 ans, habite Boucoeur et travaille comme carrier, René Chalopin, domestique habitant Thouars, âgé de 38 ans, ami de François, Etienne Bichon, l’oncle de Marie Louise et Louis Cotin un ami de Marie Louise.
De cette union vont naître deux enfants : Emilienne Octavie le 5 décembre 1897 Georges Emile, mon grand-père, le 13 février 1902
Aux recensements de 1906 à 1911 François et Marie Louise sont revenus à Saint Jean, ils habitent Chemin d’intérêt commun n°35 de Thouars à Saint Varent. En 1906 François travaille comme carrier à la carrière Benoist. En 1911 il travaille comme ouvrier agricole chez Delphin Thiaurs.
1906 et 1911, recensements Saint Jean de Thouars
François Constant est porté sur la boisson et quand il a un coup dans le nez… En 1905 alors qu’il effectue une période d’exercices en tant que soldat de réserve, il écope de 6 jours d’emprisonnement pour coups et blessures.
François Constant meurt le 20 avril 1912, seul, à l’hospice.