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Retour à Lemberg

Philippe Sands, né en 1960, juriste international de renom, spécialisé dans la défense des droits de l’homme, intervient, auprès de la Cour internationale de Justice, de la Cour de justice des Communautés européennes…
Compte tenu de son renom, il fut convié, il y a quelques années, à donner une conférence à l’université de droit de Lviv, en Ukraine. Cette invitation va lui donner l’occasion de plonger dans le passé de sa famille et de découvrir les liens étroits existant entre sa famille et plus particulièrement son grand-père Léon Buchholz, natif de Lemberg, avec :

  • Hersch Lauterpacht (1897-1960), professeur de droit international, originaire de Zolkiew, près de Lemberg,
  • Raphael Lemkin (1900-1959), procureur et avocat, résidant à Lemberg à partir de 1921, et
  • Hans Frank 1900-1946, ministre du IIIème Reich, avocat préféré d’Hitler.

Raphael Lemkin et Hersch Lauterpacht sont deux juristes exceptionnels, hélas, peu connu du grand public, qui ont pourtant joué un rôle déterminant dans l’évolution de la perception des crimes de guerre et de la justice internationale.
Raphael Lemkin (1900-1959) a forgé le terme « génocide« , tandis que Hersch Lauterpacht a introduit la notion juridique de « crime contre l’humanité« .
Deux concepts absolument essentiels.
Ce sont effectivement ces termes juridiques qui ont permis, en 1946, de condamner à Nuremberg, les hauts dignitaires nazis et des années plus tard, la création de la cour pénale de la Haye pour crimes de guerre, comme en ex-Yougoslavie ou au Rwanda.

Ce qui est absolument incroyable c’est qu’aussi bien Lemkin que Lauterpacht soit originaire de Lviv, la capitale de la Galicie, l’ancienne province orientale de l’Empire austro-hongrois. Endroit où est né le grand-père de Philippe Sands.

Dans ses investigations, Philippe Sands a rencontré Niklas Frank, le fils de l’avocat d’Hitler, Hans Franck qui fut aussi gouverneur-général de la Pologne occupée. De passage à Lviv,en 1942, il annonça la mise en place de « la solution finale ».
Niklas avait 7 ans lorsque son père fut jugé et pendu à Nuremberg en octobre 1946.
Il a publié un ouvrage sur ce père, ayant pour titre « Mon père : un règlement de comptes », qui est un jugement lucide, sans la moindre concession sur les exactions commises par son père.
À Philippe Sands, il a déclaré : « Mon père était juriste ; il savait ce qu’il faisait… »

Lors de son enquête, Philippe Sands découvre une série de coïncidences historiques qui le conduiront des secrets de sa famille à l’histoire universelle.
C’est, en effet, à Lemberg (Lviv) que Leon Buchholz, son grand-père, passe son enfance avant de fuir, échappant ainsi à l’Holocauste qui décima sa famille ; c’est là que Hersch Lauterpacht et Raphael Lemkin, deux juristes juifs étudient le droit dans l’entre-deux-guerres. C’est là enfin que Hans Frank, haut dignitaire nazi, annonce, en 1942, alors qu’il est Gouverneur général de Pologne, la mise en place de la « Solution finale » qui condamna à la mort des millions de Juifs. Parmi eux, les familles Lauterpacht, Lemkin et Buchholz.

Comment ne pas être troublé par cet extraordinaire témoignage, qui transcende les genres, ou s’entrecroisent, une enquête palpitante, la coïncidence troublante de retrouver les traces des quatres personnages dans une la même ville et une réflexion profonde sur le pouvoir de la mémoire.

Lviv, Lemberg, Lwów, Lvov… ville carrefour de tragédies

Ville fondée au XIIIe siècle, l’ensemble architectural de son centre historique est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Longtemps polonaise, puis autrichienne de 1772 à 1918 sous le nom de Lemberg après le premier partage de la Pologne, redevenue polonaise sous le nom de Lwów au sein de la Deuxième République de Pologne (1919-1939), annexée par la Russie, puis par l’Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale, elle est actuellement la capitale de l’oblast de Lviv en Ukraine.

Lviv est une ville hautement symbolique des différentes tragédies qu’a connu l’Europe à travers les siècles.

1386-1772 : Lwów, ville polonaise

Lwów devient une ville multi-ethnique et multiconfessionnelle à majorité polonaise, et un centre de culture, de science et de commerce. Trois archevêchés y étaient installés : l’archevêché catholique latin, l’archevêché gréco-catholique (dit uniate) et l’archevêché arménien. Au XVIe siècle, la population juive atteint le millier de personnes.

1772-1918 : Lemberg, ville autrichienne
En 1772, à la suite de la partition de la Pologne, Lwów devint Lemberg, la capitale de la province autrichienne nommée royaume de Galicie et de Lodomérie. Ce régime laissa une grande empreinte sur l’architecture de la ville. En 1776, paraît la Gazette de Léopol, un périodique en langue française, premier journal d’Ukraine. En 1784, l’université laïque fut ouverte par l’empereur Joseph II. Les cours étaient donnés en latin, allemand et polonais puis, à partir de 1786, en ukrainien.
En 1867, la Galicie, toujours rattachée à l’Autriche-Hongrie, obtint une large autonomie et les Polonais bénéficièrent de certaines libertés culturelles, dans l’administration locale et l’éducation. Un mouvement patriotique ukrainien subsistait cependant.
Après la Première Guerre mondiale, lors de l’effondrement de l’empire des Habsbourg, la population ukrainienne locale proclama Lviv comme capitale de la république populaire d’Ukraine occidentale le 1er novembre 1918.

1918-1939 : Lwów, ville polonaise à nouveau

La ville, à majorité polonaise, retourne dans le giron polonais, après une absence d’État polonais de plus d’un siècle, et ce jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, elle est alors connue à l’étranger sous son nom polonais de Lwów. Lwów avait une forte communauté juive d’expression yiddish ou allemande : en 1939, près d’un tiers de la population, soit plus de 100 000 habitants, étaient des Juifs et la ville comptait cinquante synagogues.

1939-1945 : Lwów au cœur de la Seconde Guerre mondiale

En septembre 1939, la région fut envahie par les Allemands. Après des combats acharnés des forces polonaises retranchées dans le centre-ville, la ville fut totalement encerclée par la Wehrmacht le 14 septembre 1939.

En application du pacte germano-soviétique, l’Armée rouge envahit à son tour la région le 17 septembre 1939. Au terme de ce qui sera appelé la bataille de Lwów, la garnison polonaise capitula face aux Soviétiques le 22 septembre 1939. La région fut alors annexée par l’Union soviétique et incorporée à la République socialiste soviétique d’Ukraine selon une des clauses secrètes du pacte Molotov-Ribbentrop. Au cours de la période d’occupation soviétique de septembre 1939 à juillet 1941, la population, particulièrement les Polonais, subit une politique de soviétisation (collectivisation des entreprises) et de représailles (exécutions et déportations dans les régions Est de l’URSS).

Lors de l’opération Barbarossa, la ville est occupée en juillet 1941 par les troupes allemandes, les nazis et leurs auxiliaires ukrainiens débutèrent une politique de « purification ethnique et intellectuelle » avec notamment la destruction de l’intelligentsia polonaise (et de leur famille) lors du massacre des professeurs de Lwów.

Des pogroms sont déclenchés à Lviv, les 30 juin et 25 juillet 1941, sans discontinuer durant quatre semaines, durant lesquels 4 000 Juifs sont tués. Le 30 juin, ce sont un demi-millier de Juifs, qui sont arrêtés dans la rue à des barrages de contrôle ou à leur domicile.

Sept mille arrestations sont conduites systématiquement dans les semaines suivantes. Environ trois mille des personnes interpellées sont exécutées dans le stade municipal de Lviv.

Au début de novembre 1941, les Allemands créent un ghetto au nord de la ville qu’ils rebaptisent Lemberg, comme à l’époque de l’Autriche-Hongrie. Les Einsatzgruppen assassinent des milliers de Juifs âgés ou malades pendant qu’ils traversent le pont de la rue Peltewna pour rejoindre le ghetto. En mars 1942, les Allemands débutent la déportation des Juifs vers le camp d’extermination de Bełżec. En août 1942, plus de 65 000 Juifs sont déportés du ghetto de Lemberg et exterminés. Des milliers d’autres sont envoyés dans le camp de travail forcé voisin de Janowska. Au début du mois de juin 1943, le ghetto est détruit et des milliers de Juifs sont à nouveau massacrés à cette occasion.

Le 27 juillet 1944, la Wehrmacht est définitivement chassée de la ville par l’Armée rouge.

En 1945, après des siècles de présence polonaise, la région est annexée par l’Union soviétique et les Polonais survivants sont expulsés vers l’ouest, notamment vers Wrocław (en allemand Breslau), en Basse-Silésie, région jusque-là allemande, alors rétrocédée à la Pologne.

Sans Polonais, ni Juifs, cette ville, jusque-là creuset intellectuel et pluriculturel, est vidée de sa substance et des principaux habitants qui en avaient fait la réputation.

1991 : l’Ukraine devient un État indépendant. Lwów devient Lviv

L’histoire de l’Ukraine en tant qu’État indépendant est récente. Après un très bref épisode entre 1918 et 1920 l’Ukraine n’a acquis son indépendance qu’en 1991 dans le cadre de la dissolution de l’Union soviétique.

C’est le 24 août 1991 que l’Ukraine a pris sa liberté. À l’époque, le président russe, Boris Eltsine, soucieux d’évincer Gorbatchev, s’entend avec ses homologues ukrainien et biélorusse pour démanteler l’URSS… L’indépendance ukrainienne est ratifiée par un référendum, le 1er décembre 1991, à 90 %. Le « oui » est majoritaire, y compris en Crimée et dans le Donbass.

Très vite, les premières difficultés apparaissent avec la Russie. Il faut s’entendre sur le prix du gaz livré par la Russie et surtout sur le partage de la flotte de la mer Noire, basée dans le port de Sébastopol, en Crimée. La Russie revendique l’usage de ce port militaire ; l’Ukraine veut sa part de la flotte soviétique. Kiev et Moscou s’accordent pour une location du port durant vingt-cinq ans… L’Ukraine met quatre ans pour se doter d’une nouvelle Constitution, puis d’une monnaie, la hryvnia, du nom de l’ancienne devise qui était en cours au XIe siècle dans la grande principauté de Kiev…

2004 : La « révolution orange », un pas vers l’Europe

À l’époque, l’Ukraine peine à s’affirmer et à choisir son destin. Elle est écartelée entre une partie de la population, dans le sud-est du pays, qui se sent attachée au passé soviétique, et une autre partie, plus à l’ouest, qui souhaite emboîter le pas à la Pologne pour se rapprocher de l’Europe. Ces deux camps s’affrontent une première fois en 2004, lors de la « révolution orange », une protestation qui dure deux mois, jour et nuit, en plein hiver, sur la place de l’Indépendance à Kiev. Elle porte au pouvoir le président Viktor Iouchtchenko, un pro-européen.

Sous son impulsion, l’Ukraine renoue avec ses racines et revendique de plus en plus sa culture, sa langue. Viktor Iouchtchenko ouvre également les archives de l’ancien KGB et inaugure un mémorial pour le Holodomor, la famine artificielle provoquée en 1933 par Staline qui a causé la mort de 4 à 6 millions d’Ukrainiens. Il demande que cette tragédie soit reconnue comme un « génocide ». C’est encore un sujet d’affrontement avec la Russie qui refuse le qualificatif.

2014 : Deuxième révolution : fracture entre l’Ukraine et la Russie

Puis en 2010, c’est cette fois l’est de l’Ukraine qui remporte la présidentielle : arrive au pouvoir Viktor Ianoukovitch, originaire du Donbass. Il se tourne vers la Russie qui lui propose d’intégrer une union douanière. Ce choix provoque une deuxième révolution, en novembre 2013.

La fracture s’approfondit

Sur cette même place de l’Indépendance, à Kiev, la confrontation est cette fois plus violente. Elle fait plus d’une centaine de tués. La contestation l’emporte malgré tout en février 2014, tandis que Viktor Ianoukovitch s’enfuit en Russie. Un gouvernement pro-européen s’installe à nouveau à Kiev, tandis que la Russie dénonce un « coup d’État » mené par une « junte nazie ».

De là date la véritable fracture entre la Russie et l’Ukraine. Vladimir Poutine réagit en annexant la péninsule de Crimée, au Sud, une opération rondement menée par des forces spéciales sans insignes qui s’emparent du parlement local et font voter les députés à huis clos, avant d’organiser un référendum. À l’époque, l’Ukraine se remet à peine de sa révolution et se trouve incapable de réagir. Puis, la Russie organise la déstabilisation des territoires de l’est de l’Ukraine, avec l’envoi de « volontaires armés » venus « au secours » des populations locales.

Cette fois, l’armée ukrainienne parvient à contenir les séparatistes dans un réduit, autour des villes de Donetsk et de Lougansk. La ligne de front se stabilise grâce à un accord négocié à Minsk, en février 2015, avec l’aide de François Hollande et d’Angela Merkel. Mais la guerre s’installe en Ukraine. Le long de la ligne de front qui fait 500 km, les séparatistes soutenus par la Russie échangent régulièrement des tirs avec l’armée ukrainienne.

Un État reconnu et démocratique

Malgré le coût de cette guerre, l’Ukraine reprend sa marche en avant. Elle met à terre les dernières statues de Lénine. Elle affirme clairement, désormais, son choix de consolider son indépendance et de se rapprocher de l’Europe, voire d’entrer dans l’Otan. Petro Porochenko, un riche entrepreneur, est élu président. L’Union européenne offre à Kiev un accord d’association qui lui ouvre la porte de son marché. Les Ukrainiens obtiennent de pouvoir circuler en Europe sans visa. L’économie tout entière de l’Ukraine se tourne vers l’ouest, tandis que le commerce avec la Russie se réduit. Plus de 40 % des exportations ukrainiennes vont vers l’UE aujourd’hui. Le nouveau président ukrainien élu en 2019, Volodymyr Zelensky, maintient cette orientation.

En trente et un ans d’indépendance, l’Ukraine est passée par bien des secousses. Mais elle est devenue un État reconnu internationalement, un partenaire des Européens et des États-Unis, un pays relativement stable, souvent critiqué pour son niveau de corruption, mais démocratique et où règnent la liberté d’expression et le pluralisme.

2022 : Lviv carrefour de refuge suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie

Lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, des milliers de réfugiés ukrainiens fuyant les combats se massent à Lviv pour prendre le chemin de l’exode en Pologne et vers d’autres pays européens.

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Ken Follett – La trilogie du siècle

Ken Follett, né le 5 juin 1949 à Cardiff, est un écrivain spécialisé dans les romans d’espionnage et les romans historiques.

Fresque historique tout autant que saga familiale, les plus de 3 000 pages de sa Trilogie du Siècle nous font parcourir la majeure partie du XXème siècle de février 1914 à novembre 1989. Les familles vont traverser le tumulte des troubles sociaux, politiques et économiques de ce siècle. Les personnages de fiction se mêlent aux personnages réels de façon très crédible sans entamer la vérité historique.

La trilogie du Siècle

Tome 1 :
La Chute des géants

A la veille de la guerre de 1914-1918, les grandes puissances vivent leurs derniers moments d’insouciance. Bientôt la violence va déferler sur le monde. De l’Europe aux États-Unis, du fond des mines du pays de Galles aux antichambres du pouvoir soviétique, en passant par les tranchées de la Somme, cinq familles vont se croiser, s’unir, se déchirer. Passions contrariées, jeux politiques et trahisons… Cette fresque magistrale explore toute la gamme des sentiments à travers le destin de personnages exceptionnels… Billy et Ethel Williams, Lady Maud Fitzherbert, Walter von Ulrich, Gus Dewar, Grigori et Lev Pechkov vont braver les obstacles et les peurs pour s’aimer, pour survivre, pour tenter de changer le cours du monde. Entre saga historique et roman d’espionnage, intrigues amoureuses et lutte des classes, ce premier volet du Siècle, qui embrasse dix ans d’histoire, raconte une vertigineuse épopée où l’aventure et le suspense rencontrent le souffle de l’Histoire…

Tome 2 :
L’Hiver du monde

1933, Hitler s’apprête à prendre le pouvoir. L’Allemagne entame les heures les plus sombres de son histoire et va entraîner le monde entier dans la barbarie et la destruction. Les cinq familles dont nous avons fait la connaissance dans La Chute des géants vont être emportées par le tourbillon de la Seconde Guerre mondiale. Amours contrariées, douloureux secrets, tragédies, coups du sort… Des salons du Yacht-Club de Buffalo à Pearl Harbor bombardé, des sentiers des Pyrénées espagnoles à Londres sous le Blitz, de Moscou en pleine évacuation à Berlin en ruines, Boy Fitzherbert, Carla von Ulrich, Lloyd Williams, Daisy Pechkov, Gus Dewar et les autres tenteront de faire face au milieu du chaos. Entre épopée historique et roman d’espionnage, histoire d’amour et thriller politique, ce deuxième volet de la magistrale trilogie du Siècle brosse une fresque inoubliable.

Tome 3 :
Aux portes de l’éternité

1961. Les Allemands de l’Est ferment l’accès à Berlin-Ouest. La tension entre États-Unis et Union soviétique s’exacerbe. Le monde se scinde en deux blocs. Confrontées à toutes les tragédies de la fin du xxe siècle, plusieurs familles – polonaise, russe, allemande, américaine et anglaise – sont emportées dans le tumulte de ces immenses troubles sociaux, politiques et économiques. Chacun de leurs membres devra se battre et participera, à sa manière, à la formidable révolution en marche.

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Peter May – Trilogie écossaise


Écrivain écossais, Peter May, né à Glasgow en 1951, habite depuis une dizaine d’années dans le Lot. Il a d’abord été journaliste avant de devenir l’un des plus brillants et prolifiques scénaristes de la télévision écossaise. Il y a quelques années, Peter May a décidé de quitter le monde de la télévision pour se consacrer à l’écriture de ses romans. Le Rouergue a publié sa série chinoise avant d’éditer la trilogie écossaise (parue d’abord dans sa traduction française avant d’être publiée, avec un immense succès, en anglais).

L’ile des chasseurs d’oiseaux

L’inspecteur Fin McLeod, meurtri par la disparition de son fils unique, est de retour sur son île natale, où un homme vient d’être assassiné. Là, chaque année, une douzaine d’hommes partent en expédition à plusieurs heures de navigation pour tuer des oiseaux nicheurs. Sur fond de traditions ancestrales d’une cruauté absolue, Peter May nous plonge au coeur de l’histoire personnelle d’un enquêteur en rupture de ban avec son passé.

L’homme de Lewis

On découvre le cadavre d’un jeune homme, miraculeusement préservé par la tourbière. Les analyses ADN relient le corps à Tormod Macdonald, le père de Marsaili, l’amour de jeunesse de Fin McLeod, et font de celui-ci le suspect n°1. C’est une course contre la montre qui s’engage alors pour découvrir la vérité : l’inspecteur principal est attendu sur l’île pour mener l’enquête et il n’épargnera pas le vieil homme, atteint de la maladie d’Alzheimer.

Le braconnier du lac perdu

Whistler était le plus brillant des amis de Fin. Le plus loyal. Par deux fois, il lui a sauvé la vie. Promis au plus bel avenir, il a pourtant refusé de quitter l’île où il vit aujourd’hui comme un vagabond. Sauvage. Asocial. Privé de la garde de sa fille unique. Or voici que Fin doit prendre en chasse les braconniers qui pillent les eaux sauvages de Lewis. Et Whistler est, d’entre tous, le plus redoutable des braconniers.

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Gunnar Staalesen – Le Roman de Bergen


Gunnar Staalesen est né en 1947 à Bergen, en Norvège. C’est à la découverte des 6 volumes de la grande fresque sociale qu’il a consacrée à sa ville natale norvégienne : Le Roman de Bergen, que je vous invite.

 » L’écriture de Staalesen fait mouche, avec son sens de la narration classique et la description pointue d’un pays beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. « 

Le Roman de Bergen. 1900 L’aube, Tome 1
Le Roman de Bergen. 1900 L’aube, Tome 2

L’ébullition gagne Bergen, petite ville industrielle de Norvège, en ce jour glacial du XXe siècle naissant. Le chemin de fer se bâtit à toute allure, la famille royale est de passage et le meurtre du consul Frimann fait grand bruit parmi les notables. Tous sont fous de désir pour la sensuelle Maren Kristine Pedersen, qui a bien connu la victime. L’inspecteur Moland, pour son malheur, va succomber lui aussi…

Le rideau se lève sur Bergen dix ans après l’incendie qui l’a dévasté. Sven et Per, les fils de Christian Moland, sont devenus frères ennemis dans la grève sociale qui secoue la Norvège. Le conflit entre syndicalistes et police fait rage, et le monde s’affole, entre krach boursier et montée du fascisme. À Bergen, le vent glacial souffle toujours et une certaine  » Mlle Pedersen  » resurgit du passé…

Le Roman de Bergen. 1950 Le Zénith, Tome 3
Le Roman de Bergen. 1950 Le Zénith, Tome 4

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, le ciel de Bergen s’assombrit. Le dramaturge Hjalmar Brandt se tourne vers l’Union soviétique de Staline ; Sigrid, l’épouse volage de Wilhelm Styrk, est séduite par le nazisme. Quand l’Allemagne occupe la Norvège, tous doivent choisir : la collaboration, la résistance, l’attente ou l’exil. L’enquête sur la mort du dernier amant de Mlle Pedersen est suspendue…

Le 17 mai 1945, Bergen célèbre la Libération. Bientôt, il faut juger les collaborateurs de l’occupant nazi. Vient le temps des découvertes : le rock’n’roll, les westerns, mais aussi les menaces de la guerre froide. Tandis que les enfants de la génération de 1900 prennent à bras-le-corps leur destinée et s’épanouissent dans les nouveaux quartiers, leurs parents vivent d’insondables exils intérieurs.

Le Roman de Bergen. 1999 Le Crépuscule, Tome 5
Le Roman de Bergen. 1999 Le Crépuscule, Tome 6

À Bergen, Veslemøy, onze ans, est trouvée en état de choc deux jours après sa disparition. Faute de témoins, l’enquête est suspendue. La Norvège traverse les années 1960 sur fond de guerre froide, entre crainte du conflit nucléaire et libéralisation des mœurs. Décidée à aller de l’avant, Veslemøy va devoir affronter son traumatisme, tout comme Bergen fait enfin face aux zones d’ombre de son passé.

Le soleil se couche sur un siècle de l’histoire de Bergen. Entre l’effroi lié au drame de la plate-forme pétrolière Alexander Kielland et l’espoir suscité par la chute du mur de Berlin, nul ne sait de quoi demain sera fait. Le passé, lui, révèle ses secrets aux dernières lueurs du crépuscule : la vérité sur l’affaire Veslemøy de 1962 et la résolution, cent ans après, du meurtre du consul Frimann.

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L’émancipation des femmes des Deux-Sèvres sous la plume d’Ernest Pérochon

De Nêne à la Misangère des Gardiennes en passant par Marie-Rose Méchain, Lise Balzan ou Babette Rougier, sans oublier les nombreux personnages féminins de sa vingtaine de livres, Ernest Pérochon a fréquemment donné la place d’honneur à des personnages féminins dans ses romans.

Sous la plume d’Ernest Pérochon, les Deux-Sévriennes du bocage, de la plaine ou du marais s’émancipent progressivement des stéréotypes sociaux ou moraux de leur époque et prennent en main leur destin.

Geste éditions a entrepris de publier les œuvres complètes d’Ernest Pérochon (1885-1942.Le premier tome réunit quatre romans qui illustrent l’évolution de la condition féminine dans le milieu rural depuis la fin du XIXe siècle : Babette et ses frères (1939), Les Gardiennes (1924), Le Crime étrange de Lise Balzan (1929), Marie Rose Méchain (1931).

Ce premier tome relie des destins de femmes qui, au-delà de leurs différences, subissent les lois non écrites de codes sociaux dépassés. À travers l’histoire d’amour vécue par une jeune paysanne issue de la Petite Église à la fin du XIXe siècle, un récit de femmes de la terre exploitant seules l’exploitation familiale entre 1914 et 1918 et les portraits de jeunes filles issues de la bourgeoisie provinciale des années 1920, Ernest Pérochon illustre à sa manière le long combat des femmes pour leur émancipation, avec ses succès mais aussi ses échecs cruels.

Prix Goncourt en 1920 pour Nêne et auteur à succès d’une vingtaine de romans, Ernest Pérochon (1885-1942) fut tout d’abord instituteur en Deux-Sèvres et combattant de la Grande Guerre. Écrivain attaché à ses racines, son œuvre révèle aussi les préoccupations d’un homme conscient des mutations et des périls auxquels sa génération fut confrontée.

Babette et ses frères

L’action de « Babette et ses frères » se situe peu après la Guerre de 1870 et se déroule dans le milieu de le Petite Eglise en Poitou (dissidents ayant refusé le Concordat de Napoléon Ier).

La dissidente Babette est amoureuse d’un étranger athée et elle va devoir le payer très cher.

L’émotion engendrée par la lecture de cette dénonciation des violences intrafamiliales faites à l’héroïne ne peut laisser de marbre le lecteur actuel. Trop de faits divers tragiques rappellent que ces comportements d’un autre âge perdurent dans notre société. L’intégrisme religieux a le même visage et engendre les mêmes comportements quel que soit le dogme auquel il se réfère.

Extrait

« En ces cantons, tous ceux des villages avaient pris le fusil lors de la Grande Chouannerie. Tant soit la guerre mauvaise et folle, un jour, la paix vient. Les batailleurs du Bocage avaient donc fini par faire leur paix avec les Bleus. Et, depuis ce temps, personne n’avait plus bougé, hormis quelques fous. Sur le coup, pourtant, un levain de dépit était resté chez certains, notamment chez les prêtres. Ces prêtres, un peu plus tard, avaient blâmé le pape et ses évêques d’avoir accepté le marché que leur avait offert l’Empereur de Paris. Ils avaient parlé de trahison. Ils avaient dit à leurs ouailles :

Nous sommes les seuls vrais prêtres.

Et leurs ouailles les avaient écoutés.

Mais les prêtres étaient morts. Et, alors comment faire ? Il n’y avait plus qu’à rentrer tête basse,

Au giron de l’Eglise romaine. Beaucoup s’y étaient résignés. Mais il était resté quand même un certain nombre d’entêtés qui n’avaient point voulu céder. Ils formaient de petits îlots dans les paroisses. Peu à peu, la plupart de ces îlots, s’étaient effrités, avaient fondu.

Peu après la guerre contre les Prussiens, la Petite Eglise Réfractaire du Bocage ne comptait plus guère que deux milliers de fidèles. Ils habitaient presque tous en voisinage, part dans la paroisse de Fontclairin, part dans celle de Pontchâteau et des Ardriers. C’était là leur canton, en un pays très couvert, un pays d’eaux vives et de bois. Et le lieu de leur rassemblement aux jours des grandes fêtes était le village de Bellevue en la paroisse de Fontclairin.

Depuis que leurs derniers prêtres avaient gagné le Paradis, les Réfractaires, sentant leur faiblesse, se serraient autour de Bellevue. Ceux qui avaient essaimé dans les cantons voisins n’attendaient qu’une occasion pour se rapprocher des autres. C’est que la population catholique les entourait comme une grande eau. Isolés, ils se sentaient perdus, noyés. Au pays de Bellevue, ils étaient chez eux. Ils étaient à touche-touche ; ils se sentaient cœur à cœur et cela fortifiait leur courage.

Les gens d’Eglise guettaient pourtant, là comme ailleurs. Ils tâchaient de tirer à eux les moins fermes ou les plus démunis ou encore, parmi les jeunes, ceux qui se laissaient engourdir d’amour par une personne de l’autre bord.

Ils ne réussissaient pas souvent. Tous les faibles étaient déjà partis. C’était le noyau qui restait ; il ne s’émiettait pas.

« Nous sommes bons chrétiens, disaient les Réfractaires ; nous sommes catholiques mais non catholiques romains. Mieux que les autres, nous honorons Jésus et Notre Dame. Nous honorons tous les Saints ; tous ! Le Bon Dieu ne saurait nous prendre en faute. »

Ils priaient et priaient et non du bout des lèvres. Ils marquaient durement le carême, les quatre-temps, les vigiles. Ils méprisaient les catholiques pour les accommodements qu’ils cherchaient avec la régler ancienne. Eux, tout ce qui avait été ordonné, ils le faisaient. Et même ils passaient outre.

A ce prix, leur conscience était en paix. C’était leur force. »

Les gardiennes

Printemps 1915, dans l’univers rural d’un village du marais poitevin dans les Deux Sèvres.

La guerre dure depuis l’été 1914. Les derniers hommes valides d’âge mûr ont été mobilisés. Ne restent plus que les enfants, les vieux et les invalides. Les femmes doivent désormais faire face, seules aux travaux des champs, qui avant la guerre n’étaient qu’affaires d’hommes.

La grande Hortense, Francine, Léa et Solange se font les gardiennes de leur milieu rural, chargées de préserver leur patrimoine en attendant la paix. Ces femmes au quotidien extraordinaire doivent s’organiser, se mobiliser et se battre pour faire vivre les fermes. Ernest Pérochon illustre à sa manière le long combat des femmes pour leur émancipation, avec ses succès mais aussi ses échecs cruels.

Hortense Misanger, 58 ans, la grande Hortense, femme forte et énergique, dirige l’activité de 4 maisons :

– la sienne, Château-Gallé, située dans la plaine

– celle du Paridier, de sa fille Solange et du gendre Clovis

– celle de la cabane Richoix, ferme maraichine de son fils Norbert et de sa femme Léa

– la boulangerie du cousin Ravisé, veuf parti à la guerre, désormais tenue par Marguerite, 17 ans, et Lucien, 15 ans.

Deux autres fils célibataires, Georges et Constant sont dans les tranchées.

Claude, le mari d’Hortense, est usé par une vie de travail et n’arrive plus à faire face. Pour lui prêter main forte, ils vont recruter une femme à tout faire. Ce sera Francine, 20 ans, gamine de l’assistance publique…

Les deux thèmes récurrents des romans ruraux de Pérochon, la condition de la femme et l’amour impossible, atteignent dans ce livre leur summum. L’intensité mélodramatique a pour support une écriture moderne, avec un style vif qui donne envie de connaitre la suite.

« Les gardiennes » ont fait l’objet d’une adaptation au cinéma de Xavier Beauvois, avec Nathalie Baye et Laura Smet.

Les gardiennes film de Xavier Beauvois

Le crime étrange de Lise Balzan

Marie-Rose Méchain

Lise Balzan (1929) et Marie-Rose Méchain (1931), héroïnes des deux autres romans de cette réédition, incarnent chacune à leur manière l’émancipation des femmes de ce début de XXe siècle. Marie-Rose Méchain, véritable figure de la femme émancipée ressemble à s’y méprendre à l’archétype de la célèbre garçonne aux cheveux courts. Elle parvient à échapper à un destin tout tracé par son milieu social originel. A côté de cet exemple de la réussite féminine, la fragile orpheline qu’est Lise Balzan contrebalance cette idée du triomphe de la femme. Lise plonge progressivement vers la folie. Son « crime étrange », le meurtre de son beau-père, révèle les failles psychologiques laissées par la guerre à la jeune génération.

Nêne

La jeune Madeleine est gagée comme domestique chez Michel Cordier, un fermier veuf, pour s’occuper de deux enfants, Eulalie et Georges, et tenir la maison. Elle s’attache peu à peu aux enfants, allant même jusqu’à dilapider ses économies, pour qu’ils soient au moins comme les autres, et même mieux. Elle doit cependant subir les attaques du diabolique Boiseriot, ancien valet de la ferme, jaloux et catholique de surcroît. Dans une atmosphère oppressante, où trois mondes, catholiques, dissidents (réfractaires) et protestants se supportent difficilement, toujours à la limite du conflit, la situation de Madeleine se dégrade progressivement.

L’attachement, progressivement contrarié, que l’héroïne a envers les deux orphelins (de mère) de la famille de dissidents, où elle a été embauchée, est le ressort essentiel de l’intrigue. S’y ajoute les amours de son frère qui, sous l’emprise de l’alcool, perd un bras dans une machine. La dévergondée qu’il espérait épouser ira vers le père des deux orphelins…

Nêne est le deuxième roman d’Ernest Pérochon, comme « Le Chemin de plaine », il est terminé au printemps 1914. La Grande Guerre empêche la parution de ces deux titres qui ne sortent qu’en 1920. Le roman est édité localement, puis il reçoit le prix Goncourt 1920 ; ceci grâce en partie au gros travail de promotion de l’écrivain niortais et berrichon Gaston Chérau auprès des membres du jury.


Ernest Pérochon naît à Courlay, dans les Deux-Sèvres, à la ferme du Tyran. C’est le Bocage bressuirais, un pays de petites parcelles de terre médiocre, entourées de haies vives (les palisses) et reliées par des chemins creux. Les parents de Pérochon, petits propriétaires, y exploitent une borderie.

Il fréquente dans son enfance l’école publique de La Tour-Nivelle, actuellement musée-école.

Il est protestant, ou plus exactement de culture protestante, car ses deux parents sont protestants. Les Pérochon sont originaires de Saint-Jouin-de Milly près de Moncoutant, secteur très protestant. Courlay est dans une région particulière puisqu’on y côtoie aussi des catholiques, dont la religion est fortement marquée par les souvenirs de la Guerre de Vendée, et des dissidents, dits de la « Petite Église », mouvement religieux qui a refusé le concordat de 1801 signé entre Napoléon et le pape Pie VII.

Ernest Pérochon ne semble pas avoir été lui-même très religieux, en accord pour cela avec sa formation d’instituteur public. Il parle d’ailleurs parfois de sa « soutane rouge ».

Il restera cependant très attaché à sa région d’origine et aux valeurs familiales.

L’émancipation des femmes des Deux-Sèvres sous la plume d’Ernest Pérochon Lire la suite »

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