PhildeFaire

Voyage en train

Ils sont restés au pays, les fils d’ouvriers.
Ils ne sont pas blasés par les conversations de comptoir, de troquet ; habitués.
L’omnibus quotidien monotone rythme leur vie monocorde.
Il les emmène pourtant, surplombant la Loire en crue, majestueuse, traversant les forêts ombragées, dévoilant les châteaux d’eau, les vignes alignées, les champs, tout de verdure, endimanchés.

Les bribes du service, les lient au retraité qui rentre chez lui.
Le nivèlement de leurs envies est intervenu ;
La solennité ingrate du terroir leur renvoie son miroir.
Celui de ces moutons qui paissent, de ces champs qui s’étirent, de ce pays plat.

J’ai longtemps envié la quiétude de leurs certitudes.
J’aurai pu être des leurs.
Je suis de ce pays.
Mais, je ne parle plus leur langue.

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Vertu gadin

Des blondes
Rondes et girondes
Les attendent au tournant.

Jalousies magnifiques
Elles proposent leurs tourments
Maléfiques.
Ou d’innocents instants
Mirifiques.

Qu’elles sont ces hôtesses ?
Sont-elles à la hauteur ?
Contre la détresse
Faire le plein de caresses
Quelle valeur ?

Du côté de la tendresse,
Il faut chercher la leur.
Pas de paresse
Ouvre leur ton cœur.

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Tombée de la nuit

Chaque brin se dessine,
Chaque toit se découpe,
Chaque arbre, en sa masse, se précise
Sombre clarté
De la tombée du jour.
Déjà, l’automne laisse deviner ses rouilles
Des lambeaux de nuages gris-rose se trainent
De l’horizon, dans une trouée de lumière
La chauve-souris surgit
Les grillons stridulent
Et c’est bientôt, la nuit.

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Souvenir de Georges

Du néant, de nulle part, tu t’es levé
A 9 ans, tu étais garçon-vacher
Les rats te tenaient compagnie
Mais tu avais d’autres envies.

Seul, tu as appris à lire
Mais c’était conduire
Qui allait te servir,
De tremplin, d’avenir.

Tu trônes, solennel
Près de la Delage du colonel
Les véhicules
Vont être ton pécule.

Chuintements éclectiques
Des premiers camions électriques
Branle-bas
Des gazogènes à bois
Tu as connu
Tous les débuts.

Extraction, chargement des cailloux
A la pelle, debout
Construire les routes
Jusqu’au bout, sans doute.

De l’exode, tu n’as jamais parlé
J’ai pourtant identifié
Avec quel camion tu as emmené
Toute ta famille se sauver.

C’est dans le CD2 acheté aux ricains
Qu’avec toi, j’ai chargé
Les sacs de blé, dans la plaine de Noisé.
Je n’aurai laissé ma place, à aucun.

Inlassablement tu racontais les parties de chasse,
Ce vol de perdreaux ou de bécasses
Le chien à l’affût
Qui rapporte, déçu.

A la belote, c’était Nous contre Eux
On jouait toujours tous les deux.
Depuis longtemps, tu es parti
Mais comment veux-tu, que je t’oublie.

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Second rôle

J’ai gagné à la loterie
Pas, un vil petit prix
Mais le gros lot, tout en haut
Celui des 6 numéros :
Je suis né grand et beau.

Ils m’ont proposé
D’être pape ou derviche tourneur
C’était trop d’honneur
J’ai décliné.

Guitar héro, joueur de rugby
Se sont-ils repris,
Trop de sacrifices, pour ceux-ci
Je me suis enfui.

Cultiver le paysage
Créer un élevage
Eurent ma préférence
Dans l’existence.

L’excuse des circonstances…
Maintenant la distance,
M’oblige à dire
Que je n’étais pas mûr
Pour franchir le mur
Pour pouvoir réussir.

J’ai rebondi,
Comme on dit
J’ai assuré
Par nécessité
Mais rien de m’a porté
Sur le sentier.

De l’attelage j’aurai pu tenir les rênes
Frustré, ambivalent, c’est avec peine
Que, dans l’ombre, je me suis contenté
D’être aimé, pour ma proximité

Piètre poète, généalogiste amateur
Depuis ma naissance
J’ai cherché la reconnaissance
De mes valeurs.

Ne l’ayant pas trouvé
Je me suis retiré
En solitaire attristé,
J’ai suivi le sentier.

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Se tenir à carreaux

De la glaise de la forêt de Chambiers
Nous sommes les fils, nous y sommes nés
Au village des Rairies
Nous y avons été cuits.

Nous y avons séché,
Nous nous sommes dessiqués.
De la terre crue,
Terre cuite, sommes devenus.

Entassés, brinquebalés, transportés
Nous avons atterri à Mazé
On nous a montés, assemblés
Tout au fond du grenier.

Nous avons connu les feuilles de tabac
Remuées, chaque jour, à la force des bras.
Remplacées, bientôt par les gerbes de blé
Battues, foulées, puis par le tarare, triées.

Après avoir longtemps attendu
Nous fûmes, un jour, descendus
Auscultés, lavés, triés et choisis
Nous fûmes, à nouveau, assemblés; ébahis.

Après toutes ces années, c’est d’un nouveau sol
Dont nous sommes les membres, sans espoir d’envol
Chaque jour, nous sommes foulés
De temps en temps, balayés, aspirés.

Dans nos joints, nos interstices
Des petits insectes, des fourmis, se glissent
Elles nous rappellent notre lointain passé de glaise
Avant qu’un jour, la pelle nous apaise
A devenir cet assemblage
De cette maison, le carrelage.

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