Les guerres de Vendée racontées par Pierre Devaud

Qui était Pierre Devaud ?

Pierre Devaud est né le 7 juin 1775 aux Cerqueux de Maulévrier, canton de Cholet, à la limite des Départements des Deux-Sèvres et de Maine et Loire. En 1792, année de sa première campagne, il habitait la ferme de Boisdon, située à quelques 500 mètres du bourg, avec son père Jacques et son frère cadet Jean. Il avait alors 17 ans. C’est à Boisdon qu’il dit avoir achevé la rédaction de ses mémoires, le 10 mars 1800.

Plaque commémorative sur la ferme de Boisdon

Le livre de la Gère

Le Livre de la Gère de Pierre Devaud a été imprimé en 1882 par les soins de l’abbé Augereau, curé du Boupère, sous le titre de « Mémoires de Pierre Devaud ». Le texte de cette première édition a été tirée à 120 exemplaires.


L’abbé Augereau avait d’abord pensé « qu’il convenait de traduire le récit de Pierre Devaud et de rétablir au moins les règles de grammaire ». Mais il jugea « qu’il valait mieux ne pas y toucher et reproduire son style avec sa saveur native ».
Pierre Devaud écrit, ou plutôt s’efforce d’écrire en Français, mais sa langue usuelle n’est pas celle qu’il écrit. Pierre Devaud a été alphabétisé en français, mais visiblement, cette alphabétisation reste incomplète. La faute d’orthographe, la graphie, voire les calques linguistiques, les hypercorrections, révèlent une autre langue.

Extrait du Livre de la Gère : les premiers combats de mars 1793

Le 11 mars 1793 je reprie les arme pour me batre, comme étant fuyand nous parcourions les villages des Cerqueu et St Aubin Baubignier et Yzernais nous fime un rasemblement dans le Bois de St Louis, déeque nous fume 70 homme nous marchime sur Maulevrier, les Bleu nous virre venir de loind il prire la fuite a Chollet nous entrime dans Maulevrier le 12 mars au matin nous prime 40 fusits de gerre et 60 hommes de ranfords.
De Maulévrier nous ont retourné dans le bois de St Louis et nous avont trouvez du ranford au nombre de 8 a 9 cent homme de ranford, de la nous avont prie la route de Termantine par Tout le Monde et les forest, cans nous fume a Termantine nous ont trouvez une autre armée des notre et nous etion plus de 15 mille homme, la, sous les ordres du general Dalbet il nous a conduit à Chollet, nous avion 3 piece de Canon et nous voilla à nous batre contre les Choltais, qui étais 1500 homme et 12 petite pièce de Canon, nous prime les 12 piece de canon et 350 Bleu de mort et le restant prie prisonier, nous ont hue 40 homme des notres de morts, nous ont partie de Chollet de la à Nuallier de Nuallier à Vezin de Vezin a Coron la nous ont trouvez les Bleu a la Barrière des Homme qui nous attendais nous les ont batu et prie une piece de canon nomée Marie Janne et thué 40 Bleu et 6 des notre de mort, de Coron nous ont été a Vihiers dont que les abitant avait prie la fuite a Douai, de Vihiers nous ont retourné à Coron de Coron a Vezin de Vezin a Nuaillier de Nuaillier a Termantine de Termantine a Chemilier la les Bleu nous ont laisés une piece de canon, cette une piece de 4, et de Chemilier a St Lorant de la Plaine de St Lorant de la Plaine a Chalonne la nous ont prie 4 piece de canon, de Chalonne à Névie de Névie a St Lézin de St Lézin a la chapelle Rousselin de la chapelle Rousselin a Termantine de Termantine a Yzernais de Yzernais aux Cerqueux de Maulevrier.
Asanblement a Coron

Parcours décrit par Pierre Devaud du 11 au 27 Mars 1793

172 kilomètres de marche à pied, en sabots, en 15 à 20 jours

En mars 1793 c’est toute la région des Mauges qui se soulève, St-Florent, Tiffauges, Chemillé puis la ville de Cholet le 14 mars. Les symboles de la République sont détruits, renversés ou brulés et des exactions sont commises contre les républicains locaux et leurs biens. La garde nationale tire il y a des morts de part et d’autre, c’est le début d’une insurrection générale. Les débuts sont chaotiques, la révolte gagne plus ou moins rapidement les différentes zones géographiques du territoire insurgé qui sera appelé Vendée militaire (zone comprenant le sud de la Loire-Atlantique, le sud-ouest du Maine-et-Loire (région des Mauges) et le nord des Deux-Sèvres (le Bocage). Elle était en outre délimitée par les villes de Nantes, Angers, Saumur, Thouars, Parthenay, Luçon, Fontenay-le-Comte et Les Sables-d’Olonne.

Des ancêtres de notre histoire familiale vont se retrouver combattants au côté de Pierre Devaud, la trace d’une dizaine de membres de la famille Cochard et de membres de la famille Chabosseau est attestée aux premiers combats de Mars 1793 décrits par Pierre Devaud, puis en mai 1793, à la bataille de Thouars.

Qu’est ce qui a tant fait marcher Pierre Devaud et ses camarades ? Même si Le livre de la Gère ne dit rien d’explicite sur les motivations du marcheur, le retour systématique à la ferme familiale après chaque marche, l’usage de la langue régionale révélée par l’écriture du français, disent au moins l’attachement à une terre et l’appartenance à une culture.

Extrait du Livre de la Gère : Incendies de Boisdon et de La Sèvrie, massacre de la forêt de Vezins en mars 1794

Redonnons la parole à Pierre Devaud qui relate dans le livre de la Gère, les attaques des Cerqueux et de Saint Aubin de Baubigné, entre le 12 et le 18 mars 1794 :

Zoulerie, le lendemain 12 mars, les Bleu sont venue par les Saulais et ont mie le feu a Boisdon il ont fait brullez la palle, le foin et la grange, et ont prie la route de la Forais de Vezin et ont fait un grand masacre dans cette Forais. Et nous de Puiaubrain jont été a la Cousais, jont passé cette journée sans joie, de la Cousais nous ont retourné le soir par la Troche jont retourné couchez aux logis de Boisdon.
De Boisdon a la Rochemousset, les Bleu venait a la Sévrie de la aux Zoulerie lermé était a St Aubin et sont venue attaquet les Bleu au Zoulerie et ont Batu les Bleu complement, nous de la Rochemousset jont retourné par les Foucherie a la Cousais de la a la Morignière de la Morignière par les Nousperouse jont été aux Plaisir Neuf, la nous avont trouvez du ranford. Nous avont retourné sur nos pas et les Bleu était ant deroutte et jont trouvez des egallier, nous ant non join un a la Charrenaire nous l’avons poursuivez jusque a Cotreuil j’ai tirre sept coup de fuzits sur lui, le dernié coup de fuzits que j’ai tirré sur lui je lui ai donné dans les rain et il a tombé mort dans le grand champs de Cotreuil il avait 60 dasignats et 20 mouchoir de soies.
De la nous somme tombez aux Serneaux et nous avont trouvez un autre Bleu cachez dans un fossés et il sez levez et nous a demandé a parler au general mais jai accoursie ce compliment, je lui ai donné un coup de fuzie dans le vantre je lui ai donné un autre coup de fuzie et après je lai fouillée il avait 5 dasignats et prie ses depoulle, et du Serneau jont été a Boisdon que jont trouvez le feu dans le restant de nos batiments, la fournie a brullé et nos couette dans la maison, le restant de notre menage a brullez ce jour la cetté le 18 mars jont perdu le 12 et le 18 mars plus de 3000 defait j’ai resté avec les hardes que j’avais sur le cors, le reste ai perdu pour mois.

Pierre Devaud nous raconte en creux l’incendie de sa métairie (Boisdon), celle de La Sèvrie et des fermes alentour n’est pas évoquée et le massacre de la forêt de Vezins est juste signalé. Il s’attarde sur le fait le plus marquant pour lui, le fait qu’il ait tué deux soldats bleus.

Mars 1794 : le massacre de la forêt de Vezins

L’événement de la forêt de Vezins, à Yzernay, près de Cholet eu lieu le 25 mars 1794. Conduite par un traître nommé Porcher, la troupe du général républicain Crouzat pénétra dans la forêt qui servait de quartier-général à Stofflet, d’infirmerie et de refuge à toute la population des environs. L’officier savait que les soldats de l’armée vendéenne étaient absents. Une épouvantable tuerie s’ensuivit : les vieillards, les femmes et les enfants ainsi que les blessés furent impitoyablement massacrés. On compta plus de 1200 victimes.
En 1821, le comte de Colbert, propriétaire des lieux, fait édifier une croix à l’endroit du massacre où ont été enterrées les victimes. Et en 1862, c’est une chapelle qui est construite.

Les liens entre les familles Cochard et Devaud

La tragédie des Margirandières – juin et août 1794

Magdeleine Cochard, 11ème enfant du patriarche Pierre Cochard est née le 19 avril 1768 à la Cantinière, en la commune de Saint-Aubin-de-Baubigné. Elle épouse le 21 juillet 1789, le jour précédant la Grande Peur, Mathurin Challet, de 3 ans son ainé, veuf de Marie Berson. Ses témoins sont : son père Pierre Cochard et son beau-frère Jacques Gourdon.
Le couple s’installe dans l’une des borderies des Margirandières. De cette union vont naître 3 enfants : Magdeleine Rose en avril 1790, Marie en mai 1792 et Mathurin Pierre le 2 juin 1794.
10 jours plus tard, le 12 juin 1794, Mathurin Challet est tué par l’incursion d’une colonne républicaine.
Magdeleine meurt, deux mois plus tard, le 25 août 1794. Meurt-elle des suites de son accouchement ? de coups et blessures reçus en juin ? nous ne le savons pas.
Ils laissent leurs trois enfants âgés de 4 ans, 2 ans et 2 mois, orphelins de père et de mère.

Mathurin Pierre Cochard épouse Jeanne Perrine Devaud

Mathurin Pierre, le petit orphelin, épousera le 13 mai 1823, dans l’église des Cerqueux, Jeanne Perrine Devaud, la petite fille de Pierre Devaud, liant ainsi les familles Cochard et Devaud.

Merci à Michel Dénéchère auteur du site http://lescerqueux.com/ pour m’avoir fait découvrir les écrits de Pierre Devaud

2 réflexions sur “Les guerres de Vendée racontées par Pierre Devaud”

  1. Chabosseau Anne

    Très intéressant cet article. Ayant vu le site de la forêt de Vezins, ce document complète mes connaissances.
    Le lien des familles Cochard et Devaud est très clair et les écrits de P. Devaud forts riches en informations.

  2. CHUPIN Annie

    le 13 mars 1793, c’est à Jallais que Perdriau parti de La Poitevinière avec ses hommes, faisant halte au château de la Bouère pour demander des armes à Antoinette-Charlotte LE DUC Comtesse de la Bouère (dont je fais la généalogie pour l’association Il était une fois la Bouère) va rejoindre Cathelineau pour aller se battre à Jallais et prendre le canon « Le Missionnaire ». Ils iront le lendemain à la bataille de Cholet.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut