Philomène et Auguste
Auguste Bourdin est domestique dans une métairie de Chiché, commune voisine de Boussais avant qu’il ne fasse son service militaire, qui en 1905 vient de passer à une durée de 2 ans. Il rentre au 114ème Régiment d’Infanterie de Parthenay, le 9 octobre 1905. L’entrée à la caserne est un énorme changement pour Auguste, les lieux sont propres, spacieux, il y a l’eau courante, il a son lit rien qu’à lui. Ce n’est pas ce qu’il a connu ni chez ses parents, ni à la métairie. De la viande presque tous les jours, du vin à chaque repas, ce n’est pas, non plus, ce qu’il a connu jusqu’alors. Il prend goût à ce « confort moderne ». Il se dit qu’il quittera la métairie à son retour. Le service, malgré ses avantages, c’est un peu toujours la même chose, des marches, des tirs puis des marches, des tirs. 2 ans c’est quand même long. Il est enfin démobilisé le 28 septembre 1907 et versé dans l’armée de réserve.
A son retour, il retourne à Chiché, mais bien vite, il court les assemblées pour trouver à se placer ailleurs, pour trouver aussi, à se marier. Il rencontre Philomène, une fille de Boussais. Bien vite, ils pensent à se marier et à trouver une bonne place ensemble.
C’est ce qu’ils font, ils se marient le 16 novembre 1908 à Boussais et trouvent en même temps à se placer, lui comme domestique, elle comme servante dans une bonne maison à Saint Varent.
Auguste à 24 ans, Philomène 21.
Marie Albertine Bourdin et Clément Théophile Gellé
La soeur d’Auguste, Marie Albertine Bourdin s’est mariée le 12 juin 1901 à Pierrefitte avec Clément Théophile Gellé.
Marie-Albertine Bourdin est née, le 3 novembre 1881 à Saint-Sauveur de Givre en Mai (aujourd’hui intégrée à Bressuire).
Les parents d’Auguste et de Marie-Albertine sont Louis Bourdin et Rose Louise Beçon.
Ils se marient en novembre 1875, et vont avoir 5 enfants : Louis Florentin en 1877, Marie-Louise en 1879, Marie-Albertine en 1881, Auguste-Alphonse en 1884, Sylvain-Paul en 1890.
Clément Théophile Gellé est né, lui, le 6 juillet 1877 à Pierrefitte (nord des Deux-Sèvres, entre Bressuire et Thouars).
Sur son acte de naissance il est fait état de deux mariages :
Le premier avec mon arrière-grand-mère Marie-Albertine Bourdin le 12 juin 1901
et le second le 2 mai 1929 avec Marie-Augustine Guilloteau.
Lors de leur mariage, le 12 juin 1901, Clément Théophile Gellé a 24 ans, Marie Albertine Bourdin a 20 ans.
De cette union vont naître 5 enfants :
Fernand Clément Louis né le 03 mai 1902, à Pierrefitte
Sylvain Eugène Joseph né le 30 octobre 1903, décédé le19 septembre 1906, à l’âge de 3 ans
Paulette Thérèse née le 10 septembre 1905
Gilbert Fernand né le 23 décembre 1908
Marie-Anne Germaine Frida née le 9 juin 1912
La sœur d’Auguste, Marie Albertine Bourdin ne s’est pas bien remise de son dernier accouchement, elle doit élever quasiment seule ses quatre enfants, son mari Clément Théophile est dur et pas très aidant. Le 22 février 1914, Marie-Albertine meurt à l’âge de 32 ans.
De quoi ? dans quelles circonstances ? dans l’état actuel de mes recherches, je ne le sais pas.
Marie-Anne, ma grand-mère a 20 mois quand sa maman décède, ses frères et sœur ont : Gilbert 5 ans, Paulette 8, Fernand 12.
Philomène et Auguste « adoptent » Marie-Anne
Depuis qu’ils se sont mariés, cela fait déjà 6 ans, Auguste et Philomène n’ont pas eu d’enfant.
La question de s’occuper de Marie-Anne ne se pose pas longtemps.
Auguste et Philomène « adoptent » ma grand-mère Marie-Anne, sans qu’un document ou jugement quelconque soit établi. De fait, Auguste et Philomène deviennent le père et la mère de substitution de Marie-Anne.
1914 : la 1ère guerre mondiale éclate
Auguste, bien qu’âgé de 30 ans, est mobilisé le 1er août 1914, comme beaucoup d’autres, jeunes appelés ou réservistes. Il est incorporé le 4 août 1914, dans le régiment ou il a fait son service militaire, au 114ème Régiment d’Infanterie de Parthenay.
C’est la guerre, comme on en parle depuis plusieurs mois, mais elle ne va pas être longue, à la fin de l’été ou au plus tard à l’automne, il sera revenu.
Son frère, Sylvain Paul, âgé lui de 24 ans, qui avait été exempté par décision du Conseil de révision en 1912 pour bronchite chronique, est classé dans le Service armé par décision du Conseil de révision, le 14 octobre 1914. Il est incorporé au 114ème Régiment d’Infanterie de Parthenay le 30 novembre 1914 et part au front le 27 février 1915.
Fin mai 1915, une mauvaise nouvelle arrive à Faye l’Abbesse ou habitent maintenant les parents Bourdin : Sylvain est porté disparu depuis le 9 mai 1915, lors d’un combat de son régiment à Loos en Gohelle dans le département du Pas de Calais.
Il sera reconnu officiellement décédé, par jugement, en 1929.
Philoméne raconte cette nouvelle à Auguste dans une lettre, mais elle lui dit, dans d’autres, les progrès, les sourires de Marie-Anne. Auguste n’a pas perdu le moral malgré des moments de découragement. Le 21 avril 1916, il est passé au 92ème Régiment d’Infanterie qui est, bientôt, regroupé avec ceux de Poitiers et d’Angers pour former le 325ème Régiment d’Infanterie.
1918, on annonce que la guerre va bientôt finir, que la victoire se dessine. Auguste est considéré comme un vieux briscard par ses camarades d’infortune, après deux ans de service militaire et bientôt quatre ans qu’il fait cette foutue guerre. Ils avaient dit qu’elle serait courte…
1918 Auguste meurt juste avant la fin de la guerre
Journal de marche opérationnel du 325ème Régiment d’infanterie, Avril 1918, Grivesnes dans la Somme :
4 avril 1918
Le régiment reçoit à 13h l’ordre d’alerte.
Le 5ème bataillon est mis à la disposition du colonel Philippot, commandant le 277ème
Les 4ème et 6ème bataillon et le bataillon Maillochet du 272ème sont placés sous le commandement du colonel Pernin et doivent se rassembler aux environs de la cote 146 (1200 mètres de Chirmont)Les allemands ayant avancé légèrement vers l’Ouest dans la région de Moreuil, les bataillons sont envoyés : le 4ème aux environs de la cote 131 (1km au Sud Est de Louvrechy), le 6ème devant Louvrechy, force au Nord Est et pousse un peloton de la 22ème Compagnie dans le ravin sud de Merville pour assurer la liaison entre les troupes du 6ème Corps qui occupent Merville et le détachement Philippot qui occupe la ligne 217 (Nord Est de Merville) cote 139 (2km Nord de Thory) le bataillon Maillochet à la corne Sud Est du bois Louvet ;
Ces 2 derniers bataillons prêts à la contre-attaque dans la direction de Merville.La fin de l’après-midi se passe sans incidentA 19 heures, le Colonel qui a installé son P.C. dans une maison de Louvrechy, reçoit l’ordre de se rendre avant le jour avec les 4e et 6e bataillons à la côte 74 (1.200 mètres nord-ouest de Grivesnes), pour prononcer, dans la journée du 5, l’attaque qui était prévue pour le 4 et que l’avance des Allemands sur Moreuil a retardée.
5 avril 1918
Départ des bataillons à 2h30. Arrivée à la cote 74 à 4h30.
Le Colonel se rend à Esclainvillers où le Général Commandant la 127ème Division d’Infanterie lui donne les premiers ordres.
A 10 h. 20, le Colonel Pernin reçoit l’ordre d’engagement : les 4ème et 6ème bataillon encadrant un bataillon du 172éme RI (Commandant O’Sullivan) doivent à 14 heures attaquer les positions ennemies entre Aubvillers et Malpart. Le terrain à parcourir est un glacis sans aucun abri.
Le 4e bataillon (Commandant Michel), à droite, doit s’emparer de la crête au Nord de Malpart ; le 6e Bataillon (Capitaine Salel), à gauche, doit prendre Aubvillers, le bataillon du 172ème, au centre, doit relier les deux attaques et occuper la tête du ravin dirigé vers Braches. Conformément au plan d’engagement, les troupes sortent des tranchées à 14 heures et se portent à l’attaque de leurs objectifs, sous le feu des tirs indirects des mitrailleuses ennemies, qu’une préparation d’artillerie de quelques minutes n’a pu détruire.
A 14 h. 14, la route d’Aubvillers à Grivesnes est atteinte par le bataillon Michel ; quelques minutes après cet officier supérieur est blessé.
A 14 h. 20, le Commandant O’Sullivan du bataillon du 172ème RI est blessé à son tour.
Au même moment, le bataillon de droite (Commandant Michel) faisait savoir que les mitrailleuses du parc de Grivesnes n’avaient pas été détruites et lui causaient des pertes assez sérieuses.
Le bataillon O’Sullivan moins gêné par ces mitrailleuses prenait alors un peu d’avance sur le bataillon Michel qui était obligé de ralentir son allure.
A 14h.15 Le bataillon Salel faisait également savoir qu’un nid de 7 mitrailleuses était installé dans un tas de fumier, à 150 mètres en avant de la ferme Fourchon ; que cette ferme elle-même intacte était également garnie de mitrailleuses. Le bataillon Salel enlève cependant les mitrailleuses du tas de fumier et les retourne contre l’ennemi, qui se replie par échelons devant le barrage roulant, non sans subir des pertes sensibles.
A 15 heures, le Colonel, commandant l’attaque, mis au courant de la situation, demande un tir de concentration de quinze minutes sur la ferme Fourchon et sur le parc de Grivesnes.
A 15 h. 15, ce tir ayant cessé, on reprend la marche en avant et la crête est dépassée ; mais les mitrailleuses de la ferme Fourchon et du parc de Grivesnes, encore intactes, concentrent un tir extrêmement violent sur nos vagues d’assaut.
La plupart des officiers et sous-officiers chefs de section sont tués ou blessés ; le Capitaine Salel est blessé.
L’ennemi lance à ce moment sur chacune des deux ailes du bataillon O’Sullivan, qui se trouvait légèrement en pointe, une contre-attaque violente, qui oblige se bataillon à se replier.
Les bataillons de droite et de gauche, privés de leurs chefs, suivent le mouvement et se replient sur les tranchées de départ.
L’ennemi réoccupe ses tranchées et essaie de pousser quelques éléments, qui sont arrêtés immédiatement par un tir de barrage, déclenché par le Commandant de l’attaque. Ce qui reste des troupes d’attaque est regroupé par bataillon et tient les tranchées.
Trois prisonniers restés entre nos mains permettent d’identifier le 8e régiment d’infanterie de la garde contre lequel l’attaque est venue se heurter.
Les pertes sont sensibles ; sur les troupes engagées, il reste :
Au 4ème bataillon, 5 Officiers,18 Sous-officiers, 223 hommes.
Au 6èmebataillon, 3 Officiers, 18 Sous-officiers, 225 hommes.
CHR, 9 Officiers, 8 Sous-officiers, 144 hommes.
Au 1er bataillon du 172ème RI, 1 Officier, 0 Sous-officiers, 135 hommes.
Un avion est abattu par la section Nicolad de la 6ème CM et un autre touché.
Un flottement se produit, néanmoins ; quelques hommes lâchent pied, surtout à droite et se retirent vers l’arrière.
Ce qui reste des troupes d’attaque est regroupé par bataillons et forme une ligne de soutien derrière.
Déclarations du Lieutenant Bonnavent :
« Il ne reste à la 21ème compagnie du 325ème Régiment d’Infanterie qu’un officier et 18 hommes.
Assez grande proportion de tués, beaucoup de blessés légers. Blessures surtout par balles, très peu par éclats d’obus.
Les liaisons ont généralement bien fonctionné. L’évacuation des blessés, en raison du grand nombre de ces derniers et du manque de brancards a souffert quelque retard.
En résumé, les troupes sont parties à l’attaque avec un entrain digne d’éloges et si elles n’ont pas réussi c’est que l’action d’artillerie sur les points d’appui du parc de Grivesnes et de la ferme Fourchon, a été complètement insuffisant pour détruire les nids de mitrailleuses qu’ils contenaient. »
Le Colonel propose une citation à l’ordre de l’Armée qui sous la conduite de son chef, le capitaine Gigon a fait preuve, au combat du 5 avril 1918, d’un courage admirable, en se portant à l’attaque d’une position fortement défendue. A perdu tous ses officiers et est revenu de l’attaque ne comptant plus qu’un sous-officier et 18 hommes.
Auguste est l’un des blessés de ce 5 avril 1918 à Grivesnes :
Son livret militaire indique : « Eclat d’obus – Gros fracas de la face – Ayant eu la mâchoire fracassée par un éclat d’obus a fait preuve du plus grand courage refusant l’aide d’un camarade pour se faire conduire au poste de secours »
Transporté à l’hôpital militaire temporaire n°49 à Orleans dans le Loiret, il y décède le 20 avril 1918.
Philomène va faire le voyage jusqu’à Orleans. Elle assiste à l’enterrement de son Auguste au Carré militaire d’Orléans.
Il sera déclaré « Mort pour la France » et inscrit sur les Monuments aux Morts de Faye-l’Abbesse et de Saint-Varent.