Naissance de la Petite Eglise

Le concordat de 1801

La Révolution en tentant d’instaurer un culte constitutionnel n’avait réussi qu’à diviser la population autour de différents cultes : constitutionnel, réfractaire et même républicain…

Pour bon nombre de vendéens, les prêtres qui avaient prêtés serment à la constitution civile du clergé étaient des prêtres jureurs et imposteurs et leurs bons prêtres (ceux qui n’avaient pas prêté serment) étaient pour les révolutionnaires des insermentés ou réfractaires et à ce titre devaient être fusillés ou déportés.

Monument érigé en hommage aux prêtres déportés ou décédés avant leur déportation, église de Saint Martin de Ré, Collection personnelle

Napoléon espérait apporter avec la paix religieuse un terme à la guerre civile qui divisait le pays depuis 1793, en particulier en Vendée militaire. Le 29 novembre 1799 : « Les prêtres ayant prêté tous les serments, ceux ayant abdiqué leur sacerdoce et ceux qui se sont mariés sont exemptés de la déportation. » Le 28 décembre 1799 : « Les églises sont restituées aux citoyens, l’obligation de les maintenir fermées est annulée, l’autorisation de les ouvrir le dimanche est donnée et tout ecclésiastique ayant prêté serment de fidélité à la constitution nouvelle est autorisé à célébrer le culte. » (1)

Napoléon signe en 1801, un Concordat qui met fin à l’anarchie qui règne depuis la Révolution dans l’Église de France, partagée entre prêtres constitutionnels et prêtres insermentés ou réfractaires.

Le pape Pie VII reconnaît la République française et le gouvernement reconnaît le catholicisme comme la religion « de la grande majorité des français ». Le Saint siège laisse à Napoléon la possibilité de nommer lui-même les évêques et archevêques qui devront prêter serment de fidélité au gouvernement établi. On procède également à une nouvelle distribution des diocèses.

Le clergé réfractaire

Les dispositions du Concordat promulguées en avril 1802 sont inacceptables par un certain nombre d’évêques dont Mgr de Coucy, évêque de La Rochelle (1789 – 1801) qui s’exile en Espagne. Il dénonce entre autres, par l’intermédiaire de son vicaire l’abbé Brion, curé de Cirières (entre Cerizay et Bressuire) :

  • L’intégration des curés et évêques constitutionnels,
  • L’abandon des fêtes religieuses d’obligation (fêtes chômées d’avant la Révolution qui passent d’une trentaine à quatre)
  • L’autorisation de donner la bénédiction nuptiale qu’après avoir contracté le mariage civil à la Mairie,
  • L’allégeance des curés prêtée au préfet
  • Les biens nationaux qui sont conservés par leurs acquéreurs…

L’idée que la Religion était « changée » se répand alors rapidement dans le Bocage qui passe sous l’autorité de l’évêque de Poitiers selon les nouvelles dispositions concordataires. Le clergé réfractaire et ses fidèles s’enfoncent résolument dans l’opposition. Des communautés de dissidents se localisent dans les cantons de Cerizay, Bressuire, Moncoutant, Mauléon, Argenton-Château mais aussi dans une moindre mesure dans les Mauges. (2)

Les dissidents, tel qu’ils s’appellent eux-mêmes, sont différents des catholiques car ils pratiquent un culte tel qu’il existait avant la Révolution mais cette distinction se retrouvait également dans la vie sociale, culturelle et politique. L’opposition aux concordataires comme l’esprit communautaire étaient forts. Le groupe exerçait des pressions sur ceux qui voulaient quitter ses rangs, assimilés à des traîtres. Les mariages, les fêtes, les loisirs, le travail, les achats, les locations de fermes se faisaient au sein du groupe.

Le fonctionnement du culte

  • les cérémonies religieuses : le culte se pratique dans les chapelles pour ce qui est des cérémonies de groupe mais il est possible de les faire chez soi en famille dans les maisons particulières. Il se prépare sans consécration d’hosties. Le responsable de la communauté se place à côté de l’autel, lit la messe en latin d’après l’ancien rituel. Elle dure environ 2 heures. Les dissidents suivent la messe le dimanche et célèbrent toutes les fêtes supprimées lors du Concordat. La Fête-Dieu en l’honneur du Saint sacrement est particulièrement respectée. Ils respectent rigoureusement le jeûne durant le Carême. La rigueur vestimentaire lors des cérémonies est imposée. À l’image de la Vierge pour laquelle les dissidents vouent un culte particulier, et qui portait un voile, les femmes n’entrent dans une chapelle qu’avec la tête couverte. Pour tous, il est interdit d’être jambes et bras nus. La séparation sexuelle est toujours de mise dans la chapelle.
  • le baptême est le seul vrai sacrement donné par le responsable de la communauté.
  • le mariage : seuls les mariés, leurs parents et les témoins pénètrent dans la sacristie pour échanger leurs consentements devant le responsable.
  • la confession se fait directement à Dieu et les dissidents s’imposent eux-mêmes la pénitence.
  • le catéchisme : le jeune dissident apprend les principes de sa religion à l’occasion du catéchisme à partir du « Petit catéchisme du diocèse de la Rochelle d’avant 1789 ». Il dure environ un mois avant la communion durant lequel les enfants ne fréquentent plus l’école. La communion a lieu le jeudi de la Fête-Dieu.
  • les enterrements : dans les communes où la communauté dissidente est importante, le cimetière est divisé entre deux parties : une pour les catholiques et l’autre pour les dissidents. Les tombes ne sont pas orientées de la même façon, celles des dissidents sont tournées vers l’ouest. (3)

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  1. Augris Christelle, La Petite Eglise dans l’Ouest, réaction Vendéenne au Concordat, Journée historique de Legé, 30 juin 2001
  2. Histoire et patrimoine du Bressuirais : Rouger Jany, Neveu Jean-Louis, La Petite Église, deux siècles de dissidence, Parthenay, Ed. UPCP/Geste Paysanne, 1987, p 115 et Paineau Pascal, Vendée : les derniers survivants de la Petite Église, L’Histoire, N°169, p. 68-71.
  3. Billaud Auguste, La Petite Eglise dans la Vendée et les Deux Sèvres, Nouvelles Editions Latines, 1982

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