18 JUIN 1940 : la Gare de Thouars est bombardée
C’en est fini de « la drôle de guerre » ! Depuis l’ouverture des hostilités en septembre 1939, rien ne se passait. Mais depuis le 10 mai 1940, les hommes du Reich sont entrés en France et les troupes françaises ne peuvent contenir l’avancée ennemie. Le président Lebrun nomme le maréchal Pétain président du Conseil. Bientôt, celui-ci quittera Paris, entrainant le gouvernement à Tours, à Bordeaux puis à Vichy.
C’est la débâcle ! Les populations fuient les combats et se refugient notamment dans l’ouest de la France jusqu’alors épargné.
Les armées françaises, désorganisées, subissent ordres et contre-ordres. En Thouarsais, on sait que le territoire est une cible avec le nœud ferroviaire que représente la gare et la réserve de munitions installée près de Puyravault.
A Airvault, au camp d’entrainement installé à Véluché, on prépare aussi l’évacuation. Pendant plusieurs mois, plusieurs milliers de soldats polonais de la 4ème division d’infanterie, réfugiés en France après l’invasion de leur pays par les nazis, ont vécu dans ce camp, dans la perspective de s’allier à l’armée française. Face à l’avancée allemande, ces soldats polonais décident de rejoindre l’Angleterre pour continuer le combat. Pour rejoindre Londres, ils doivent rejoindre le port de La Rochelle en train, transitant par Thouars.
18 juin 1940, il est 6h, c’est une belle journée estivale qui s’annonce. A la gare, l’activité est intense mais aussi dans tout le quartier où s’élèvent diverses usines. C’est l’heure de l’embauche.
Tout à coup, sans aucune alerte préalable, un avion allemand survole la ville et lâche cinq bombes en quelques minutes. Passé l’effroi, c’est la panique.
De nombreuses victimes sont à déplorer au sein même de la gare mais aussi alentour. Des civils et des cheminots bien sûr mais aussi vingt-six soldats polonais pris au piège dans leur train qui stationnait à quai. Au total, on dénombre 53 tués et des dizaines de blessés.
Ce bombardement meurtrier fait entrer le Thouarsais de plain-pied dans la guerre.
19 JUIN 1940 : on évacue le camp de munitions de Puyravault
Face à l’avancée allemande, l’armée française est en pleine désorganisation. Les hommes du Reich sont annoncés à quelques kilomètres de Saumur. On décide de faire sauter les ponts de la Loire.
A Thouars, on se remet péniblement du bombardement de la gare, la veille, qui a fait 53 morts et plusieurs dizaines de blessés. Ces derniers ont été rapatriés à l’hôpital où on les soigne comme on peut.
A la gare, les voies ont été dégagées pour permettre de faire repartir les trains militaires qui étaient stationnés et qui n’ont pas été atteints. Alors que la population s’attend au pire, aménage les abris et protège les objets de valeur, on exfiltre de la ville 115 enfants réfugiés de la région parisienne pour les mettre à l’abri à Bouillé-Loretz.
A l’ERG, l’entrepôt de munitions, sans ordre de la haute hiérarchie, le chef d’escadron Bochot décide l’évacuation du site. Après avoir fourni les troupes encore présentes sur le territoire en munitions et en essence, et avoir fait partir un maximum de train chargés de munitions, Bochot organise le départ des militaires de l’ERG et de leur famille. Avec un sentiment d’abandon et de désappointement, la population thouarsaise voit partir en trains et voitures plus de 1500 hommes et leurs proches en direction d’Angoulême. Seuls quelques dizaines d’entre eux restent sur place pour assurer l’intendance et les derniers ravitaillements. Plus rien ne pourra empêcher l’arrivée des troupes allemandes.
20 JUIN 1940 : Les prémices de la bataille de Thouars
Fuyant vers le sud face à des troupes allemandes dévorant tout sur leur passage, l’armée française a détruit la plupart des ponts enjambant la Loire, entre Gien et Nantes. Mais rien n’y fait, à l’aide de canots et de barges, les soldats allemands traversent le fleuve. Aguerris, les hommes du génie ont tôt fait de réaménager des ouvrages de fortune sur les ruines des ponts détruits par les français pour faire passer leurs troupes et matériels. Mais à Saumur, contre toute attente, une résistance militaire s’organise. Face aux 12 000 hommes de la 1ère cavalerie de Prusse Orientale, 2200 soldats français gardent les armes, dont 790 élèves de l’école de Saumur, les fameux Cadets qui vont se battre héroïquement, pour l’honneur, retardant ainsi de quelques heures l’avancée allemande.
En fin de matinée, néanmoins, les premières troupes allemandes sont signalées entre Doué la Fontaine et Thouars, à Bouillé Loretz.
Ce même jour, à Borcq, près d’Airvault, où a été installé un camp de munitions provisoire, annexe de celui d’Angoulême, ordre est donné de détruire les stocks. Vers 14h, une incroyable explosion retentit, faisant vibrer les murs sur plusieurs kilomètres, affolant les populations qui n’avaient pas été prévenues.
Dans les fermes isolées des campagnes, on craint l’arrivée des « barbares » qui, dit-on, violent les femmes et coupent les mains des enfants. Parfois, on préfère fuir. Dans les villages, on se regroupe à plusieurs familles dans une même habitation. A Thouars aussi, chacun se terre, emportant les quelques objets de valeur dans des abris de fortune.
Dans la chaleur étouffante de ce début d’été, chacun sait que le pire est à venir…
21 juin 1940 : les Allemands s’emparent de Thouars
La Bataille de Thouars, souvent appelée « troisième bataille de Thouars » en référence à celles de 1793 et 1815, naît de l’ordre donné le 21 juin 1940 d’occuper la ville et de la défendre. Les rares troupes françaises encore présentes dans le secteur sont invités à rejoindre Thouars d’urgence, pour contrer l’avancée allemande. Des unités sont placées au nord de la ville sur la route en direction de Montreuil-Bellay mais aussi au sud sur le pont de Saint Jean et les côteaux du Thouet. Les derniers hommes restant au camp de munitions sabordent les amorçages afin qu’ils ne tombent pas aux mains des allemands.
En début d’après-midi, ceux-ci arrivent depuis Loudun et Saumur.
Aux premiers rangs se trouvent les motocyclistes suivis par les unités anti-char et les automitrailleuses. A distance se trouvent les troupes montées. Les premiers coups de feu éclatent et ne cesseront plus de toute la journée. Les allemands sont surpris par cette résistance inattendue et des victimes sont à déplorer des deux côtés. La tension monte au fil des heures. Au nord comme au sud de la ville, les combats font rage. Alors que des poches de résistance se forment, le gros des troupes allemandes s’emparent de la ville, déployant leur matériel.
Dans la rue du Château, des canons sont installés pour répondre aux offensives des soldats français depuis les hauteurs de Saint Jean et de Saint Jacques. On se bat toute la journée et en fin d’après-midi, un formidable orage éclate, point d’orgue de cette funeste journée.
Malgré un courage exemplaire, les soldats français doivent céder la place. Thouars entre dans la période d’occupation. A une civile venue se plaindre de destructions à la Kommandantur, un officier allemand rétorque : « En entrant dans une ville, nos troupes ont droit à 24 heures de pillage … »
22 JUIN 1940 : un premier geste de refus face à l’occupant
Alors que les derniers échanges de tirs se font entendre autour de Thouars, les allemands prennent possession de la ville, avec la rigueur et l’organisation qui les caractérisent. Les panneaux indicateurs sont germanisés, la croix gammée flotte sur la place Lavault et la Kommandantur est installée à l’Hôtel de Ville dans un premier temps.
Afin de faciliter leurs communications, les soldats déroulent à même le sol les câbles téléphoniques sur plusieurs dizaines de mètres. Dans un geste d’inconscience et d’héroïsme, le cheminot Alexis Lecleinche coupe les fils, sabordant ainsi les outils de communication allemands, comme un prélude aux actes de résistance qui se développeront en Thouarsais au fil de la guerre.
Las, Lecleinche est dénoncé et arrêté. Déporté en Allemagne, il mourra au camp de Diez en 1943.
Parallèlement, les derniers soldats français tentent toujours de retarder l’armée allemande afin de permettre à quelques 2400 militaires français d’évacuer par la gare de Parthenay. C’est la fameuse bataille de la Butte, durant laquelle les avions allemands vont larguer plusieurs bombes. Des civils et des militaires perdront la vie, dont un un soldat inconnu, enterré sur place.
En périphérie de Thouars, et en direction du sud, tous les villages voient passer les soldats allemands dont certains n’hésitent pas à violenter les habitants et piller les maisons. Coulonges Thouarsais, Geay, Sainte Gemme, Luché Thouarsais…. Là aussi, les combats sont violents. L’un des derniers chars français, le « Saint Georges » est anéanti par les allemands, son équipage tué, brûlé vif. Comme un trophée, les allemands ramènent le char à Thouars, place Lavault, où il restera exposé plusieurs semaines.
23 JUIN 1940 : les documents d’armistice transitent par Thouars
Alors que Bressuire est envahie à son tour, que les allemands se déploient sur le Thouarsais, que les dernières troupes françaises, dont les coloniales, embarquent dans les rares trains depuis la gare de Parthenay en direction du sud, l’Armistice a été signé en forêt de Compiègne le 22 juin, suite au discours du maréchal Pétain, quelques jours plus tôt, annonçant qu’il fallait cesser le combat.
Toutefois, cet armistice ne sera effectif que deux jours plus tard, après la signature de l’Italie, alliée du Reich. Le texte comprend vingt-quatre clauses et doit être remis au gouvernement réfugié à Bordeaux. Des gradés allemands quittent le wagon de Rethondes, le précieux document dans leur sacoche, et prennent la route vers l’ouest.
Le château de Ternay, a une dizaine de kilomètres de Thouars, a été réquisitionné pour accueillir le général Tippelkirch, membre du haut commandement et proche d’Hitler. Venant de Rethondes où il a assisté à la signature, il arrive au château le 22 juin, tard, dans la soirée, où il dîne et passe la nuit. Tippelkirch est chargé de donner les documents aux plénipotentiaires français qui les remettront à leur tour au gouvernement français.
La rencontre a lieu le lendemain, dimanche 23 juin, dans la matinée. Protégés par les hommes de la 1ère Division de cavalerie allemande, les plénipotentiaires se retrouvent à la Maucarrière entre Thouars et Parthenay. Les représentants français, drapeau blanc accroché à leur véhicule, ne restent que quelques minutes avant de filer vers la Gironde où les attend le maréchal Pétain et son gouvernement.
Ce dernier chapitre marque la fin de la Bataille de Thouars. Dès lors, les combats vont cesser, les coups de feu seront sporadiques. Le Thouarsais entre dans la sombre période humiliante de l’Occupation. Mais bientôt des hommes et des femmes se lèveront pour sauver la France.