La sommation respectueuse : une procédure juridique pour, obtenir ou passer outre, le consentement des parents afin de pouvoir se marier

L’âge de la majorité : élément déterminant pour pouvoir se marier

Trois types de « majorité » sont à prendre en compte pour pouvoir se marier ou pour être considéré juridiquement comme civilement capable et responsable :

  • L’âge nubile : âge exigé par la loi pour qu’un individu puisse contracter mariage.
  • La majorité matrimoniale : âge au-dessus duquel le consentement des parents n’est plus exigé, par la loi, pour se marier.
  • La majorité civile : âge à atteindre pour être considéré juridiquement comme civilement capable et responsable.

Évolution de l’âge de la majorité en France

La sommation respectueuse : une procédure introduite pour se marier avec ou sans le consentement des parents

Par l’ordonnance royale de Blois promulguée en 1579, la majorité civile est fixée à 25 ans pour les deux sexes et la majorité matrimoniale est à 25 ans pour les filles et 30 ans pour les garçons.
Les enfants de moins de 25 ans étaient obligés d’obtenir le consentement de leurs parents pour se marier, les majeurs devaient « demander leur conseil », mais en cas de refus ils pouvaient passer outre.
Cette ordonnance précisait que tout curé qui célébrait un mariage sans le consentement des familles des futurs époux pouvait être puni pour le crime de rapt, ayant consacré une union « clandestine ».
Une déclaration de 1639 privait de leurs droits successoraux les enfants qui s’étaient unis par un tel mariage.

En 1692 est introduite la possibilité de « sommations respectueuses ».
Cela consistait à recourir à un notaire, qui se déplaçait à domicile, pour adresser une « sommation respectueuse » aux parents. Il fallait y recourir par trois fois, espacées d’un mois. Si les parents continuaient à s’opposer au mariage après le 3ème refus le mariage pouvait être célébré en passant outre, après qu’un Tribunal se fut prononcé sur le cas.

Durant ce laps de temps les parents espéraient voir leur enfant réfléchir et renoncer en se rangeant à leur avis. Cela était censé éviter un mariage précipité. Cela évitait également (principalement ?) d’avoir à verser une dot à la fille ou à procéder à un partage de biens quand on n’y était pas prêt.

Avec le code Napoléon en 1804, les enfants sont toujours obligés d’obtenir le consentement parental s’ils n’ont pas la majorité matrimoniale, fixée à 25 ans pour les garçons et 21 ans pour les filles.

A partir de 1896 au lieu de 3 sommations respectueuses une seule était nécessaire.

La loi du 21 juin 1907 remplaça cette procédure par une simple notification de projet de mariage.
Le 2 février 1933 une nouvelle loi fit disparaître cette obligation pour les enfants ayant atteint la majorité matrimoniale.
La dernière disposition fixant la majorité à 18 ans pour les garçons et les filles par la loi du 5 juillet 1974 leur permet de se marier librement.

A quel âge se mariait on ?

Prenons pour exemple, l’âge de l’épouse lors du mariage, d’une généalogie d’une famille des Mauges entre 1750 et 1800 :

Sur les 77 femmes prises en compte pour l’analyse statistique, 41 ont moins de 25 ans soit 53%. Ce qui explique que dans de très nombreux actes de mariages, il est indiqué : « fille mineure de… ». De même pour les garçons ou il est indiqué : « fils mineur de… ».

Où trouver des sommations respectueuses ?

Les sommations respectueuses restent rares, les jeunes gens acceptant généralement les décisions de leurs parents, surtout en matière matrimoniale. On en trouve toutefois en sous-série E (archives notariales). Elles ne sont, pratiquement jamais, mentionnées dans les actes de mariage. On peut soupçonner leur existence si les parents vivants d’une personne majeure ne sont pas présents dans l’acte de mariage.    

L’étude du notaire qui les détient se trouve nécessairement dans la même ville ou dans l’étude notariale la plus proche du domicile des parents récalcitrants. Comme le mariage a lieu dès les formalités d’actes respectueux puis de publication des bans accomplies, il faut rechercher la sommation dans les répertoires ou les minutes du notaire de la ville dans les trois mois précédant le mariage.

On peut également s’appuyer sur les tables de l’Enregistrement (série C ou sous-série 3 Q) suivant le type d’actes recherchés : table des vendeurs, acquéreurs, contrats de mariage, testaments, etc… ou sur les répertoires des notaires (sous-série 5 E) pour les Archives du Département de Maine-et-Loire.

En exemple : une sommation respectueuse qui se conclut par l’obtention du consentement des parents dès la première présentation : Coron 1805

Alors qu’il projette de se marier, Michel-Victor Chabosseau, bien qu’il soit juridiquement majeur, ne souhaite pas déroger à la coutume, il entend obtenir conseil et consentement de ses parents.
Mais, ses parents, principalement son père, restent sur leur position et font savoir leur opposition à ce mariage à chaque fois que leur fils vient les voir et leur demander de consentir à ce mariage.

Le 27 Floréal an XIII (17 mai 1805) Michel-Victor demande au notaire de Coron, Maître Patou d’adresser une sommation respectueuse à ses parents pour obtenir leurs consentements à son mariage avec Marie Chéné :

Sommation respectueuse par Michel-Victor CHABOSSEAU à Michel CHABOSSEAU et Jeanne BRUNET, ses père et mère
Le 27 Floréal an XIII
Napoléon 1er par la grâce de Dieu et la constitution de l’Etat Empereur des Français et roi d’Italie à tous présentant avenir salut et avenir faisons que
Devant nous Pierre Patou notaire public résident à Coron arrondissement de Saumur Département de Maine et Loire soussigné et en présence des témoins ci-après nommés
A comparu Michel-Victor Chabosseau garçon majeur âgé de 25 ans accomplis du 29 germinal dernier an XIII demeurant présentement au moulin de la Thibaudière commune de La Plaine
Issu du légitime mariage de Michel Chabosseau avec Jeanne Brunet, ses père et mère demeurant à la Petite Chèvrie commune de Coron
Lequel nous a dit que désirant depuis très longtemps se marier légalement avec Marie Chéné fille majeure demeurant avec sa mère aux Bousselières commune de La Plaine, fille probe, laborieuse, ayant de bonnes mœurs et tenant une conduite rangée et régulière qui lui a fait mériter l’estime des honnêtes gens

Et avoir plusieurs fois sollicité avec un profond respect lesdits Michel Chabosseau et Jeanne Brunet, ses père et mère de vouloir bien consentir à se qu’il épousa la dite Marie Chéné sans pouvoir obtenir leur consentement
Pourquoi désirant faire constater sa soumission et son respect envers ses dits père et mère
Acte conforme à l’article 252 arrêté le 21 ventôse de l’an XII additionnel à la loi du 26 ventôse de l’an XI il nous requiert de vouloir bien nous transporter à la métairie de la Petite Chèvrie commune de Coron au domicile de ses susdits père et mère pour leur notifier qu’il désirait instamment obtenir leur consentement pour le mariage qu’il voulait contracter avec la dite Marie Chéné et pour leur dire qu’il les suppliait très respectueusement par notre organe et notre ministère de vouloir bien donner leur adhésion
en conséquence de cette réquisition nous notaire susdit et soussigné accompagné des citoyens Nicolas David et Joseph Dominique Marie Vallée demeurant tous les deux commune de Coron
ou étant arrivés et ayant trouvés les dits Michel Chabosseau et Jeanne Brunet, sa femme nous leur avons dit que leur fils Michel-Victor Chabosseau nous mande ce jourd’hui auprès d’eux par notre organe et ministère sa supplication respectueuse qu’il leur avait fait verbalement  plusieurs fois avant  ce jour et qu’il les priait et suppliait d’abandonner, par la présente de vouloir bien consentir à son mariage avec la dite Marie Chéné  en qui il a mis depuis très longtemps son amitié et qui est un parti qui lui convient
lesquels nous ont dit savoir
la dite Jeanne Brunet, sa mère que puisque Michel-Victor Chabosseau son fils paraissait absolument décidé à se marier avec la dite Marie Chéné, elle ne voulait pas plus longtemps le contrarier en refusant son consentement  pourquoi elle déclarait par la présente consentir à ce mariage
et le dit Michel Chabosseau père qui jusqu’à ce moment avait refusé son consentement à ce mariage dans l’espérance que son fils pourrait changer de sentiment et de décision  mais que voyant qu’il persévérait toujours et qu’étant majeur de 25 ans il employait envers lui le moyen que lui fournit et procure la loi pour parvenir à terminer le mariage
il déclarait par la présente consentir à ce que son fils Michel-Victor Chabosseau se maria avec la dite Marie Chéné aussitôt qu’il le voudra et qu’il le dispensait de lui faire d’autre sommation respectueuse afin d’éviter les frais
De tout ce que nous avons dit le présent acte pour valoir au dit Michel-Victor Chabosseau fils ce que de droit et de raison
Fait et passé à la métairie de la Petite Chèvrie commune de Coron le 27 Floréal An XIII en présence
 des citoyens Nicolas David et Joseph Dominique Marie Vallée témoins et lecture faite les parties ont déclarer ne savoir signer
Mandons et ordonnons à tout huissier de justice de mettre la présente à exécution
A tout officier civil de la force de prêter forte quand ils se seront légalement requis
Et à tout procureurs impériaux près des tribunaux
La minute des présentes est signée David, Vallée et nous Patou notaire soussigné
Enregistré à Vihiers le 1er prairial de l’An XIII
Reçu 1 franc dix centimes
Signé Baranger pour le receveur général » (1)

Par cet acte, Michel-Victor a, enfin, obtenu les consentements de ses deux parents et le 28 mai 1805 (8 Prairial An XIII) il se marie avec Marie Chéné à La Plaine, Département de Maine et Loire :

Du 8ème jour du mois de Prairial An XIII de la république française sur les 6h du matin
Acte de mariage de Michel-Victor Chabosseau meunier âgé de 25 ans né commune de Coron, Département de Maine et Loire ,demeurant en cette commune, fils de Michel Chabosseau cultivateur demeurant commune de Coron, Département de Maine et Loire et de Jeanne Brunet tout les deux consentant d’après la sommation respectueuse à eux notifier par le citoyen PATOU, notaire à Coron le 27 Floréal dernier en présence des citoyens Nicolas David et Joseph Dominique Marie Vallée enregistrée en ce lieu le 1er de ce mois
Et Marie Chéné âgée de 22 ans née et domiciliée en cette commune, Département de Maine et Loire, fille du défunt Germain Chéné, menuisier de son vivant demeurant en cette commune, Département de Maine et Loire et de Marie Egremond ici présente, ses père et mère
Ses actes préliminaires sont extraits des registres des publications de mariage faites à la mairie le 15 et le 22 Floréal. Ses actes préliminaires sont extraits des registres des publications de mariage faites à la mairie le 15 et le 22 Floréal dernier entre
Michel-Victor Chabosseau, meunier âgé de 25 ans, né commune de Coron, Département de Maine et Loire demeurant en cette commune, fils de Michel Chabosseau cultivateur demeurant commune de Coron, Département de Maine et Loire et de Jeanne Brunet, ses père et mère
Et Marie Chéné âgée de 22 ans née et domiciliée en cette commune Département de Maine et Loire fille du défunt Germain Chéné menuisier de son vivant demeurant en cette commune Département de Maine et Loire et de Marie Egremond ici présente, ses père et mère
Et affichés au terme de la loi le 15 et le 22 Floréal dernier
De tout informé, de tout les quatre actes, il a été donné lecture par moi officier public au terme de la loi les dits époux présent ont déclaré prendre en mariage
L’un Marie Chéné, L’autre Michel-Victor Chabosseau
En présence de
Pierre Froger tisserand âgé de 69 ans demeurant en cette commune, Département de Maine et Loire, frère de l’épouse à cause de Catherine Chéné
Pierre Paquier, tisserand âgé de 35 ans, demeurant en cette commune, Département de Maine et Loire, ami de l’époux
Mathurin Brunet, bordier âgé de 45 ans, demeurant en cette commune, Département de Maine et Loire, ami des époux
Jean Brémond, bordier âgé de 26 ans, demeurant en cette commune, Département de Maine et Loire, ami des époux
C’est pourquoi, moi, Fradin, maire de cette commune, faisant ses fonctions d’officier public de l’état civil, ai prononcé qu’au nom de la loi les dits époux sont unis par le mariage et ont les dits époux et témoins déclarés ne savoir signé sauf le citoyen Paquier
Lecture donné aux parties comparantes – Signatures : Fradin et Paquier (2)

À toutes les époques, la présence des parents à la célébration du mariage, qu’il soit religieux ou civil, valait consentement.
Or dans notre exemple, les parents ne sont pas présents au mariage de leur fils, bien qu’ils aient déclarer consentir à son mariage lors de la sommation respectueuse qui leur a été présentée par le notaire.
Il est probable que leur consentement ne signifiait pas encore acceptation.

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(1 et 2) Archives Départementales du Maine et Loire, La Plaine, Naissances, Mariages, Décès, 1792-1812, 6E240/6
Source de l’image de l’entête : Paysans des Mauges, fin XVIIIe siècle, Archives départementales du Maine-et-Loire, 11Fi 437…

1 réflexion sur “La sommation respectueuse : une procédure juridique pour, obtenir ou passer outre, le consentement des parents afin de pouvoir se marier”

  1. Chabosseau Anne

    Article très intéressant permettant d’apprendre les détails des mariages, du consentement des parents, de l’évolution de l’âge de majorité… Ca ne rigolait pas autrefois !!!

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