les voisins de derrière
Derrière la haie de tuyas 
Du pavillon des parents
Vivaient
Dans leur minuscule maison
Les voisins, Olivier
Le père, un ancien des chemins de fer 
Modeste, la mère, femme au foyer
Et leur fils Maurice, Momo
Momo, il était comptable
Dans une briqueterie
A Langeais
Chaque vendredi soir 
Il revenait
A Thouars
Chez ses parents
80 kilomètres
Par les petites routes
En scooter
Le lundi matin 
Ou quelque fois
Le dimanche soir
Voyage retour
Vêtu du même imper mastic 
Celui de Colombo
Penché, tout tordu
Sur le côté
De sa machine
On le voyait
Arriver
Et repartir
Les Olivier 
Ils ne parlaient à personne
Mais étaient en bisbille
Avec chacun
De leurs proches voisins
A l’exception
De mes parents
A cause du chat de l’un
De la clôture de l’autre
Des mauvaises odeurs
Des peaux de lapins tannées
De ceux du dessus
De notre fenêtre de chambre 
Nous les observions
Dans leur toute petite véranda
Le père qui marchait
Marchait 
Pour évacuer
A l’heure de la retraite
Après la mort de ses parents
Momo est venu habiter
Tout seul
La minuscule maison
Il nous faisait un peu peur 
Il avait repris
Les habitudes de son père
Marcher
Marcher
Autour de la table
De la véranda
Un jour 
Mon père
M’a emmené
Ramasser
Des bouteilles en verre
Sur la voie ferrée
De l’autre côté
De la rue
Devant chez nous
Depuis des années 
Momo jetait ses bouteilles
La nuit
Sur la ligne de chemin de fer
Petit à petit 
La maison, pas entretenue
Se délabrait
Le jardin
S’ensauvageait
Momo
Se décharnait
Mes parents 
Ont commencé
A lui apporter
A manger
De temps en temps
Ils finirent 
Progressivement
A entrer
Dans la maison
Il pleuvait dans la véranda 
Nous l’avions vu
Mais aussi dans la chambre à coucher
Et dans la pièce donnant sur la rue
Jamais ouverte
Amaigri 
Efflanqué
Pourquoi n’achetait – il plus
A manger
Momo avoua 
Que depuis 10 ans
Qu’il était en retraite
Il n’avait rien touché
Il n’avait rien demandé
Il avait vécu
Sur ses économies
Mais il n’avait plus rien
Mes parents avaient agi 
Plan de sauvegarde
Assistante sociale
Services de la Mairie
Pension de retraite débloquée 
Maison retapée
Jardin débroussaillé
Momo put se remplumer
Des plateaux-repas
Lui furent apportés
Il retourna boire 
Des coups
Au café
Et recommença
A jeter
Ses bouteilles
Sur la voie
Devenu sénile 
Incapable
De rester vivre 
Seul
Il finit 
Ses jours
A la maison de retraite
De Oiron
Après quelques années 
A l’abandon
La maison 
Fut rachetée
Par Dédé
A sa sortie de prison
Lui aussi 
Appréciait
Le contenu 
Des bouteilles
Quand nous rendions visite 
A nos parents
Nous discutions avec Dédé
De la pluie
Du beau temps
Du rugby
Il apportait
A mes parents
Des fleurs de son jardin
Des œufs de ses poules
Il vint tondre la pelouse
Quand mon père a décliné
Et continua toujours
Jusqu’au décès de ma mère
L’entraide 
Avait changé de sens